L’ARF a diffusé mardi 11 mars une édition modifiée de son Manifeste des régions pour le renouveau du système ferroviaire de 2011, répondant aux besoins d’aujourd’hui : elle veut jouir de tous les droits d’une autorité organisatrice, favoriser la mise en concurrence selon ses besoins, pousser la SNCF à améliorer sa performance industrielle et l’Etat à s’engager politiquement et financièrement au développement du rail. Exigeante ? Qui paie décide, répond-elle.
Ma Gazette
Sélectionnez vos thèmes et créez votre newsletter personnalisée
La SNCF sera-t-elle encore longtemps maître à bord de ses trains ? Les régions, premiers soutiens financiers du transporteur avec 5,8 milliards d’euros de subventions, mais aussi premières clientes avec 80 % des trains quotidiens en circulation sous leur autorité organisatrice, mettent de plus en plus la pression sur l’opérateur ferroviaire pour lui prendre sa casquette de chef de train. « Les tensions de ces derniers mois montrent que le modèle à l’origine du succès des TER n’est plus soutenable et menace de se retourner », lançait mardi 11 mars 2014 Alain Rousset (PS), président de la région Aquitaine et de l’Association des régions de France (ARF), à l’occasion d’une réédition –revue et augmentée – de son « manifeste des régions pour le renouveau du système ferroviaire », publié en 2011.
Effet de ciseaux insurmontable – Les régions ont estimé qu’il était temps de réactualiser ce texte rédigé lors des Etats généraux du transport ferroviaire régional, compte tenu de l’évolution du partenariat avec la SNCF, mais aussi du contexte économique. Elles se disent victimes d’un effet de ciseaux insurmontable caractérisé par une baisse continue de leurs recettes fiscales et des dotations aux collectivités et à une hausse des coûts du TER de 4,4 % par an depuis 2002, « quatre fois plus que la progression de l’offre », précise l’ARF. Dans ces conditions, les régions ne veulent plus laisser la SNCF seule maître à bord et veulent revoir les termes du contrat qui les associaient pour devenir une « autorité organisatrice de transport ferroviaire de plein exercice », explique Jacques Auxiette (PS), président de la région Pays de la Loire et de la commission infrastructure et transports de l’ARF.
Trois revendications – L’association des exécutifs régionaux a ainsi formalisé trois revendications –déjà plus ou moins évoquées l’automne dernier – lui permettant à terme de maîtriser le service ferroviaire qu’elle finance « alors que les régions ne sont toujours pas propriétaire du matériel » :
- – Une transparence complète sur les conventions TER
- – Un interlocuteur unique en région
- – Une stabilisation des coûts à service constant.
« Nous allons de cette manière franchir une nouvelle étape avec la SNCF », juge Jacques Auxiette. Pour commencer, les régions veulent mettre la main sur le matériel qu’elles achètent. Comme évoqué lors du congrès de l’ARF le 19 septembre 2013, 9 régions (1) vont créer courant avril une association d’études sur le matériel roulant : « Nous allons établir un cahier des charges visant à étudier l’opportunité et la faisabilité technique, juridique, économique et financière, des différentes solutions nous permettant de disposer du matériel roulant et des prestations répondant aux fonctionnalités définies et à un coût soutenable », précise Jean-Jack Queyranne (PS), président de la région Rhône-Alpes et de la commission développement durable à l’ARF. « Nous ne voulons pas transformer le système, mais le faire évoluer », modère-t-il.
Une mise à plan financière – Dans le domaine financier, la transformation exigée s’apparente toutefois à une révolution culturelle pour la SNCF, dont la gestion « est opaque, et ce n’est pas un hasard », glisse Jacques Auxiette. « Actuellement, la SNCF nous transmet les comptes par ligne, mais ce n’est pas suffisant », juge-t-il. « Il nous faut mettre en avant les frais de structures. M. Pepy (président de la SNCF, ndlr) estime qu’il peut économiser 500 ME dans ce domaine. Beaucoup de régions l’ont pris au mot et attendent désormais une diminution de ces charges », poursuit-il.
Les régions cherchent par ce biais à pousser la SNCF à adopter une comptabilité régionalisée et mettre en place une meilleure organisation du parc de rames, du personnel d’accompagnement, des guichets de vente, etc. « Nous pourrions même imaginer créer nos propres guichets multi-services en gare. Mais le personnel n’est pas de notre compétence, alors qu’il nous arrive pourtant de recevoir leurs représentants. Il faut que ce mauvais jeu de rôle cesse », clame le président de la commission transport, qui veut au final « améliorer la performance économique de la SNCF ».
Ressources fiscale dédiée au rail – Parallèlement, les régions ne veulent plus être les seules à passer à la caisse pour un service dégradé : « De plus en plus de projets d’investissements sous la responsabilité de l’Etat doivent désormais être financés dans le cadre des Contrats de plan Etat-Régions (CPER) », dénonce l’ARF dans son manifeste nouvelle mouture. C’est par exemple le cas pour la régénération de la ligne Bayonne-Saint-Jean-Pied-de-Port (64). « L’Etat, qui devait mettre 15 ME s’est défaussé, nous devrons combler la différence», râle un élu aquitain. L’ARF demande donc que « les participations de l’Etat et de RFF aux CPER 2014-2020 soient renforcées et pérennisées dans une logique d’égalité entre les territoires » et propose de créer une ressource fiscale dédiée au financement d’un système ferroviaire « sous tension ». Une façon d’éviter tout nouveau désistement.
Tarifs libre dans les régions – Enfin, le volet financier du manifeste appelle à la liberté tarifaire des régions « sous le contrôle d’une autorité régulatrice et en conservant un prix de référence au niveau national », précise Jacques Auxiette. « En tant qu’autorité organisatrice nous devons pouvoir maîtriser nos recettes et donc les tarifs de nos trains », se justifie-t-il, en rappelant que les régions versent déjà 360 ME à la SNCF au titre des compensations des tarifs sociaux nationaux.
Concurrence sous conditions – Si tous les nouvelles conditions de partenariats ne sont pas satisfaisantes, les régions « veulent avoir la liberté de choix », insiste Alain Rousset. L’ARF souhaite que la réforme ferroviaire en cours – « dont pas un seul mot ne concerne les régions » s’insurge Jacques Auxiette – s’inscrive dans la logique du règlement OSP de 2007, permettant aux autorités organisatrices de choisir leur mode de gestion, en direct, en régie, ou en délégation de service public. « On ne fait pas des lois sur le système ferroviaire tous les six mois. Il faut donc dès maintenant intégrer une révision des dispositions du Code des transports relatives aux services publics ferroviaires d’intérêt régional pour s’opposer à la vision de la Commission européenne qui souhaite imposer les appels d’offres pour l’attribution des contrats de service public ferroviaire dès 2019 » prévient le manifeste. Et pour que la SNCF ne soit pas définitivement écartée de son choix, les régions qui souhaitent « l’amélioration de ses relations » avec le transporteur, la poussent à « améliorer ses performances industrielles » pour le moment « insuffisantes ». La SNCF est prévenue: seuls ceux qui l’aiment prendront ses trains.