C’était pourtant une bonne idée de miser sur le développement des réseaux de transports publics en site propre pour s’attirer les votes aux prochaines municipales. Alain Juppé en sait quelque chose puisqu’il vient d’être élu meilleur maire par le magazine l’Express pour avoir notamment su profiter de l’appel d’air entrainé par la construction du tramway bordelais à partir de 1997. A priori, cet argument de campagne pouvait être d’autant plus porteur que l’échéance électorale de cette année coïncide avec le 3e appel à projet TCSP(1) lancé l’an dernier par le gouvernement.
Avis de gel – Mais aujourd’hui, les candidats qui jouent cette carte pour assurer leur réélection, craignent de plus en plus de ne pouvoir tenir leur promesse, faute d’une réponse probante du gouvernement sur ses capacités à financer pas moins de 120 projets portés à candidature par les collectivités.
Reprenant la liste de ces projets en début de semaine, France Info a fait monter la pression dans les services transports des collectivités locales, en déclarant ces projets « gelés »: « C’est faux de dire que notre projet de tramway est gelé, s’énerve Thierry Bonté, vice-président d’Amiens Métropole chargé du transport. Nous avons reçu l’assurance du ministre des Transports que nous recevrons la subvention de 30 ME demandée. Si l’Etat se défausse, notre projet d’un montant global de 200 ME ne pourra pas être réalisé », menace-t-il.
Jouer la montre – Le Gart (2), qui reconnait être « fortement sollicité depuis plusieurs semaines » par les élus désireux d’avoir des nouvelles de leur candidature à l’appel d’offres, ne veut pas faire monter plus haut la pression : « Il n’y a rien de plus que l’on ne sache déjà depuis le 6 février », lâche-t-on dans les couloirs du groupement. Depuis ce jour, où l’AFITF (3) a décidé lors de son conseil d’administration de reporter ses engagements en faveur des Contrats de projets État-région (CPER) 2014-2020 et du 3e appel à projets TCSP, les porteurs de projets savent qu’ils n’auront probablement pas de réponse avant les préconisations de la mission parlementaire sur l’écotaxe poids lourds installée par le gouvernement, puisque les recettes de l’écotaxe doivent abonder le budget de l’AFITF. Une façon de jouer la montre jusqu’aux prochaines échéances électorales, voire les Européennes ?
Le prétexte Ecotaxe – En revanche, Le Gart ne veut pas que le report de l’écotaxe sine die –mais que le ministre des Transports Frédéric Cuvillier souhaite mettre en place « avant fin 2014 » – serve de prétexte à l’Etat pour se soustraire des 450 ME promis au financement des projets de transport en commun : « Chaque projet a son existence propre et leur réalisation ne découle pas de la suspension de la procédure du fait des difficultés liées à l’écotaxe », rappelle-t-il.
Fréderic Cuvillier: l’écotaxe avant la fin 2014… par BFMTV
Ce faisant, le Gart se fait l’écho de nos lecteurs, qui, interrogés dans notre baromètre de l’hebdomadaire de cette semaine, sont 41 % à penser que le report de cette taxe poids lourds ne doit pas mettre en péril les projets de transports, contre 37 % qui estiment le contraire.
La Fnaut(4) esquisse même une alternative à l’écotaxe : « Le problème financier est mal posé car on n’applique pas une fiscalité écologique donnant des ressources à ces TCSP : un centime de TIPP génère 400 ME de ressources. C’est presque le montant des subventions promises par l’Etat », lance Jean Sivardière, son président.
Les collectivités moyennes dans le viseur – La question financière serait-elle secondaire ? C’est vrai dans les grandes métropoles comme celle de Bordeaux, qui réalisera quoiqu’il arrive son projet TCSP entre Saint-Médard-en-Jalles et la préfecture girondine : « La desserte n’est pas menacée, le projet a déjà son autonomie financière et nous n’en sommes pas encore au premier coup de pioche », relativise Gérard Chausset, vice-président de la CUB(5) chargé des « transports de demain ». Même si l’agglo cherche déjà à optimiser sa facture en passant d’un bus à haut niveau de service (BHNS) à un tramway sur pneu, au cas où…
Pour les villes moyennes, le coup de pouce de l’Etat est en revanche primordial. Or, compte tenu du succès de cet appel d’offres – 120 projets contre 78 lors du second appel à projets TCSP 2011 – le gouvernement devra saupoudrer son aide ou trancher dans le vif. « Moi je suis rassuré, glisse un élu, mais le ministre m’a bien fait comprendre qu’il y aurait des déçus ». Réponse après les élections.
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Transports collectifs en site propre. Retour au texte
Note 02 Groupement des autorités responsables de transport Retour au texte
Note 03 Agence de financement des infrastructures de transport en France Retour au texte
Note 04 fédération nationale des associations d’usagers des transports Retour au texte
Note 05 communauté urbaine de Bordeaux Retour au texte