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Dans un rapport intitulé « Plaidoyer pour une décentralisation de la loi Littoral : un retour aux origines », deux sénateurs plaident pour une refonte de la loi du 3 janvier 1986. « Indispensable », celle-ci doit cependant évoluer vers davantage d'adaptation locale et d’équité entre les territoires, estiment Odette Herviaux (PS) et Jean Bizet (UMP).
Ma Gazette
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La loi Littoral a certes permis de « freiner le bétonnage des côtes » et ne pose pas de problème dans la plupart des territoires, mais elle occasionne des « crispations aiguës dans quelques départements », ont constaté les deux sénateurs. Car, contrairement à la volonté originelle du législateur, elle n’a jamais pu être ajustée aux contextes locaux, entraînant un « manque structurel d’équité » entre des communes parfois voisines.
Juge tout-puissant – Bien souvent, le sort des projets locaux est suspendu à la décision d’un juge administratif « devenu législateur des lacunes de la loi », avec pour conséquence une « hétérogénéité de son application dans l’espace et le temps ». D’autant que « les crispations locales ont mené à des recours abusifs », dénoncent les deux rapporteurs, qui pointent également un espace littoral déjà « saturé de normes et réglementations », citant pêle-mêle « parcs naturels, zones Natura 2000, ZNIEFF, zones humides, sites d’intérêt communautaire… ».
L’insécurité juridique de la loi est alimentée par le fait que « les dispositions particulières au littoral […] sont doublement opposables, à la fois aux documents d’urbanisme élaborés par les collectivités, et à tout acte individuel d’occupation du sol ». La multiplication des recours contentieux qui en résulte entraîne des situations de paralysie dans certains territoires, confrontés parfois à des « situations ubuesques ». Le rapport se fait notamment l’écho des malheurs du maire de Gouville-sur-Mer qui assure « avoir été condamné à exécuter sa propre décision : après avoir délivré un permis de construire, jugé ensuite illégal puis finalement validé au terme d’une interminable procédure, le juge l’a enjoint de délivrer ce document et condamné à verser une indemnité de mille euros ! ».
Chartes régionales d’aménagement du littoral – Les deux sénateurs, après avoir auditionné 130 élus locaux – La loi touche directement 1 212 communes – ont formulé plusieurs propositions. La mesure phare consiste en une décentralisation de l’interprétation de la loi, via un dispositif de chartes régionales d’aménagement du littoral (CRAL), conduites sous la houlette des conseils régionaux et validées par le Conseil national de la mer et des littoraux (CNML). Ces documents déclineraient à l’échelle régionale « l’interprétation de la totalité des dispositions particulières au littoral énoncées aux articles L. 146-1 à L. 146-9 du code de l’urbanisme », ce afin « d’éviter que ces CRAL ne soient conditionnées à d’autres enjeux susceptibles d’en freiner l’adoption, comme c’est le cas, par exemple, pour le PADDUC ».
Toutefois, ces chartes demeureraient facultatives, car, indique Jean Bizet, « elles ne sont pas nécessaires partout », certains territoires disposant déjà d’outils pertinents, comme l’Aquitaine avec son GIP Littoral.
Urbanisme : assouplissement et durcissement – Sur le plan urbanistique, le rapport propose de permettre « la densification par comblement des "dents creuses" des hameaux existants » tout en « maintenant l’interdiction d’une extension en continuité de leur urbanisation afin de préserver l’efficacité du dispositif anti-mitage ». Il est également recommandé de renforcer le régime des « coupures d’urbanisation », souvent mal identifiées dans les documents d’urbanisme.
Le rapport préconise aussi de mieux prendre en compte le risque de submersion marine, en ajoutant ce dernier parmi les motifs d’extension possible de la bande de 100 mètres dans laquelle toute nouvelle construction est bannie (1).
Péréquation – Enfin, les sénateurs veulent introduire de la péréquation entre communes, diversement impactées par la loi : certaines, vertueuses, en subissent les contraintes de plein fouet avec de faibles rentrées fiscales, tandis que d’autres, avoisinantes, tirent parti du littoral préservé en accroissant leur offre hôtelière et immobilière. « Les gros grossissent et les maigres maigrissent », résume un maire corse auditionné. Un nouveau coefficient basé sur le taux d’artificialisation des sols serait donc introduit dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes littorales pour corriger cette résultante de la loi.
Odette Herviaux et Jean Bizet reconnaissent que le gouvernement s’est montré plutôt hostile à leurs propositions, mais ils assurent que les groupes de la majorité comme de l’opposition au Sénat et à l’Assemblée y sont pour leur part favorables. Les deux rapporteurs souhaitent que ce « dépoussiérage » de la loi Littoral soit intégré au projet de loi de décentralisation ou à celui relatif à l’agriculture.
Confier pareilles décisions aux élus locaux-régionaux ?… On sait ce que cela engendre. Passe droits, pots de vin, pressions de toutes sortes, prévarication… Quantité de « bonnes » raisons de s’exonérer des règles et de mépriser l’intérêt général pour les profits de quelques-uns.