Le critère du revenu médian va fonder la géographique prioritaire de la nouvelle politique de la ville : seuls les quartiers où les ressources seront inférieures à un seuil déterminé seront pris en compte. Ce changement semble aller dans le bon sens car le niveau de vie est l’indicateur qui décrit le mieux la situation sociale et économique d’un territoire ; et de plus l’indicateur est simple. En réalité, ce choix pose de nombreuses difficultés.
Il faut d’abord régler un problème central : les données sur les revenus par quartier, diffusées par l’Insee, ne prennent pas en compte les prestations sociales. Evaluer la situation des territoires les plus démunis du pays sans les intégrer n’aurait pas grand sens même si cela ne changera pas significativement le rang des quartiers entre eux.
L’usage d’un indicateur unique pose une difficulté de fond. Les professionnels et les élus savent que leur intervention concerne l’éducation, le logement, la santé, l’accès aux services, l’accès à l’emploi, etc.
A niveau de revenus équivalents, en fonction de la structure par âge ou de la part de la population immigrée, du niveau de chômage ou d’éducation, de l’état du logement, la situation sociale d’un quartier peut être très différente. Le besoin de cohésion sociale sur un territoire ne peut être réduit à la seule approche « niveau de vie » ou « pauvreté ».
Indicateur non dynamique – Enfin, l’indicateur tel qu’il est construit aujourd’hui est statique, il occulte les dynamiques à l’œuvre. Or la crise actuelle bouleverse les équilibres territoriaux. Dans certains territoires, le chômage a très fortement progressé depuis 2008. Dans d’autres, cette hausse a été plus faible. Les données sur les revenus actuellement disponibles, qui datent de 2009 (2010 devrait être disponible dans les semaines qui viennent), sont loin de refléter les effets de la crise économique. Certains quartiers peuvent paraître moins en difficulté, mais sont en réalité dans un processus qui les amène à le devenir très rapidement.
Le débat a eu lieu et le ministère a tranché. Cela ne nous interdit pas de continuer à réfléchir à la dynamique des territoires et à mieux comprendre comment prendre en considération la complexité des quartiers. L’écriture des projets de quartiers ne pourra se limiter à la seule approche monétaire. Il sera nécessaire de traduire les réalités urbaines en enjeux et objectifs qui iront bien au-delà de la lutte contre la pauvreté.
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