La publication du rapport Trojette sur l’ouverture des données publiques est une nouvelle occasion de commentaires et de débats sur l’open data. Sujet abordé le plus souvent avec mesure, mais parfois en perspective outrancièrement caricaturale.
Certes « Tout ce qui est excessif est insignifiant », selon le mot de Talleyrand, mais le dénigrement de l’IGN et la condescendance affichée par M. Musquet, président d’Open Street Map, dans son interview à lagazette.fr imposent de rappeler quelques vérités.
On aurait pourtant préféré que M. Musquet raconte comment l’utilisation des données publiques déjà libérées, lui avait permis de bâtir son projet OpenStreetMap, comment la libération de nouveaux référentiels de données publiques allait l’aider à améliorer ses cartes sur les parties du territoire dans lesquelles elles sont pour le moins succinctes, ou qu’il nous parle de l’évolution du nombre de ses contributeurs bénévoles.
Contrairement à ce qu’avance M. Musquet « avec la politique de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, il est difficile de s’adapter, l’agence vieillit », l’IGN n’est pas un organisme vieillissant, la moyenne d’âge y est de 44 ans, la même par exemple que celle de la fonction publique territoriale au sein de laquelle M. Musquet exerce la profession de « chargé de mission open data ».
L’IGN est en outre le plus gros organisme français de recherche dans les sciences de l’information géographique. Ses laboratoires sont internationalement reconnus et leur activité est un facteur clé de la précision des systèmes de localisation par satellites GPS et Galileo, systèmes que M. Trojette cite d’ailleurs en exemple comme des précurseurs de l’open data !
270 agents sur le terrain – Contrairement à ce qu’écrit M. Musquet, l’IGN n’actualise pas ses données avec « moins de 50 personnes », mais avec ses 270 agents missionnés sur le terrain, ainsi qu’avec les contributeurs volontaires signalant pas moins de 400 informations de correction ou d’actualisation par mois, et encore avec l’apport de nos partenaires de collectivités territoriales et de services d’incendie et de secours (SDIS) au travers de dispositifs collaboratifs.
Cette dernière année, ce sont ainsi près de 10 millions d’objets qui ont été mis à jour dans les bases de données que diffuse l’IGN, dont 4 millions de bâtiments et 1,3 million de points adresses ; ce sont près de 100 000 voies supplémentaires qui ont été nommées ; c’est un tiers du territoire qui a été couvert par des photos aériennes de haute résolution.
Quotidiennement ce sont 100 000 visites d’internautes sur le Géoportail ; mensuellement, ce sont plus de 30 téra-octets (To) de données IGN qui sont téléchargées.
Des chiffres qui, à eux seuls, suffisent à réfuter l’accusation de données qui ont « mal vieilli », même si l’on trouvera toujours des esprits chagrins prompts à monter en épingle les inévitables et certes regrettables erreurs résiduelles.
Changement de modèle – Contrairement à ce que semble insinuer M. Musquet, l’IGN ne tarifie pas ses données pour des questions de mauvaise gouvernance, mais tout simplement parce que l’État lui demande de trouver des ressources à hauteur de 35 % de ses dépenses, et que le passage de la vente de données, son modèle historique, à la vente de services, son modèle futur, ne peut se faire que dans le temps.
Le mode de gouvernance de l’IGN n’est sans doute pas parfait, mais il s’exerce dans un cadre démocratique et sous le contrôle de l’État, garant des intérêts de l’ensemble de la population.
D’ailleurs, en parlant de gouvernance et puisque le rapport Trojette invite à explorer de nouveaux modèles économiques, M. Musquet peut-il nous éclairer sur le budget d’OSM, ses sources de financement, les relations entre OSM France et la maison mère, le lieu et les modalités d’hébergement de ses données ? Où trouver ces informations ? Pas sur le site internet d’OSM…
Licence « contaminante » – M. Musquet, OpenStreetMap est un beau projet – nombre d’agents de l’IGN font d’ailleurs partie de vos 150 contributeurs – qui permettrait de générer de la création de richesse dans notre pays si vous n’étiez pas contraint par vos commanditaires anglo-saxons d’utiliser une licence dite contaminante qui de fait impose la gratuité de tout référentiel géographique produit en utilisant vos données.
C’est pour cette raison d’ailleurs que l’IGN ne peut utiliser vos données pour la mise à jour de ses bases alors qu’un partenariat semblerait tout à fait naturel et souhaitable. Nous profitons d’ailleurs de cette tribune pour renouveler nos propositions de travailler ensemble.
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