Ce qui est pris n’est plus à prendre : avant même que son projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine ne soit amendé en commission début novembre puis examiné en séance publique à partir du 29 novembre, François Lamy s’est assuré du concours des collectivités territoriales.
Cinq associations d’élus locaux (ARF, ADCF, Ville et Banlieue, FVM, ADF) ont contractualisé au cours des neuf derniers mois avec le ministre délégué à la Ville, tandis que la signature d’une sixième convention avec l’Association des maires des grandes villes de France (AMGVF) et l’Assemblée des communautés urbaines de France (ACUF), initialement prévue le 29 octobre, a été reportée au dernier moment.
Un retour… qui ne va pas de soi – Objectif : associer les élus locaux à l’élaboration des futurs contrats de ville – notamment à la définition des périmètres précis des quartiers inscrits dans la prochaine géographie prioritaire qui devrait être dévoilée d’un jour à l’autre – et ainsi formaliser leur soutien, actif comme financier, envers les nouveaux quartiers de la politique de la Ville ainsi que les banlieues seulement inscrites en territoire de veille.
La tâche de François Lamy était loin d’être mince. Jusqu’ici, les politiques publiques de droit commun émanant des collectivités territoriales – tout comme celles des ministères – diminuaient dès lors que les quartiers prioritaires devenaient éligibles aux crédits spécifiques du ministère de la Ville.
Alors que moins de 40% des régions et des intercommunalités ainsi qu’à peine 20% des départements participent actuellement aux 2 493 contrats urbains de cohésion sociale, tous devront désormais territorialiser une partie de leurs interventions au bénéfice des habitants des quartiers prioritaires.
Qu’il s’agisse du développement urbain (équipements publics, rénovation urbaine, infrastructures de transport) et de la cohésion sociale (accès à l’emploi, réussite éducative, accès aux soins, lien social, développement économique, etc.) pour les régions ; de la prévention spécialisée et l’aide à la parentalité (familles monoparentales) en ce qui concerne les départements ; ou bien de l’habitat pour les intercommunalités.
Mobilisation des fonds européens – Ainsi, conformément à l’accord signé avec l’Association des régions de France (ARF) en février 2013, ce ne sont plus 5% mais 10% des fonds structurels européens que devront flécher les régions vers ces territoires sur la période 2014-2020.
Les départements, quant à eux, devront orienter 10% du FSE « Inclusion sociale et lutte contre la pauvreté », soit 3% de l’enveloppe nationale contre seulement 2% aujourd’hui comme le stipule la convention signée lors du congrès de l’Association des départements de France (ADF) à Lille début octobre.
Ces sommes pourraient toutefois être modulées « en fonction de l’importance du fait urbain et des disparités socio-urbaines » de chaque territoire.
Au niveau des agglomérations, une péréquation infra-communautaire plus stricte doit permettre la réduction d’un tiers des inégalités internes d’ici 2020. C’est en tout cas ce qui est inscrit dans la convention signée avec l’Association des communautés de France (AdCF) le 27 mai 2013.
Il y est également noté qu’en contrepartie du retour du droit commun des ministères et des autres collectivités territoriales, de la création d’une dotation « politique de la ville » ainsi que du fléchage d’une partie du FSE et du Feder, les intercommunalités devraient mobiliser davantage leurs fonds propres.
Complémentarité ville / interco – Les autres conventions sont, elles, moins engageantes, car ne comportent que peu d’objectifs chiffrés.
Alors que 14% des ZUS sont situées dans des villes moyennes (20 à 100 000 habitants), la Fédération des villes moyennes (FVM), qui créera une commission Politique de la Ville dans ses instances, s’engage à « encourager le développement de l’économie sociale et solidaire dans les quartiers, à re-densifier les cœurs de ville ainsi qu’à proposer des formations aux futurs contrats de villes pour les élus concernés. »
La complémentarité entre le maire et le président de l’EPCI, que reprend la convention avec la FVM, avait déjà été affirmée dans la convention signée avec l’AdCF ainsi que, quelques jours auparavant, lors de la signature d’un document semblable avec l’Association des maires Ville et Banlieue de France.
Ce dernier comprend, en outre, un volet sur la participation des habitants directement inspiré du rapport Mechmache/Bacqué, qui prévoit la mise en place de conseils de citoyens, le renforcement de la co-construction des prochains programmes de renouvellement urbain par le habitants ainsi que des maisons-projets.
Références
- Convention cadre entre le ministère de la Ville et l'Association des départements de France (ADF)
- Convention cadre entre le ministère de la Ville et la Fédération des villes moyennes (FVM)
- Convention cadre entre le ministère de la Ville et l'Association des maires Ville et Banlieue de France
- Convention cadre entre le ministère de la Ville et l'Association des communautés de France (AdCF)
- Convention cadre entre le ministère de la Ville et l'Association des régions de France (ARF)
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La nouvelle politique de la ville convient-elle aux habitants autant qu’aux professionnels ?
Sommaire du dossier
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- Politique de la ville : ce que les élus et les professionnels attendent de la réforme
- Panorama des banlieues : les cinq chiffres à retenir en 2015
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- Politique de la ville : la carte de la nouvelle géographie prioritaire dévoilée
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- « La politique de la ville n’a pas les moyens d’assurer l’égalité entre tous » – Marie-Hélène Bacqué
- La participation des habitants au coeur des priorités de la politique de la ville
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