Moins 9% en 2011. Moins 32% depuis 2005. Telle est la baisse du nombre de jours de tournage de fictions TV en région au cours des dernières années. Un constat fait par France Film (1), dans l’étude « Fictions TV françaises : répartition géographique des tournages en 2012 ».
Réduction des durées de tournage. En 2012, les régions françaises ont accueilli 6079 journées de tournage. Cependant, le nombre de tournages progresse légèrement : + 6%.
Autrement dit, analyse Patrick Lamassoure, délégué général de France Film, il n’y a pas de baisse de la production d’oeuvres, mais une réduction de la durée des temps de production. (lire encadré).
Cette évolution pèse forcément sur l’emploi et les dépenses locales des équipes escomptées par les régions.
Or, souligne Patrick Lamassoure, pour une région qui veut développer une filière audiovisuelle, l’enjeu se situe sur les tournages, puisque les activités de postproduction sont concentrées en Ile-de-France.
Aides financières : un levier déterminant. Comme elle l’avait fait au début 2013 pour les productions cinématographiques, l’association a mis en regard l’activité aidée et l’activité non aidée, pour cerner l’impact des aides. « Dans dix régions, la majorité – voire la totalité- des tournages accueillis ont notamment été attirés par les aides financières, avec des ratios allant de 54 à 100% », observent les auteurs de l’étude. Exemple : en Aquitaine, les aides permettent d’augmenter de plus d’un tiers le nombre de jours de tournages (245 journées sans aides, 135 avec aides, soit 36%M de journées aidées).
Ce qui fait qu’une œuvre est tournée dans une région et pas dans une autre, c’est la somme qui est mise sur la table par la collectivité, souligne Patrick Lamassoure. C’est un levier indiscutable, plus ou moins puissant selon les territoires.
Stabilité du palmarès des régions. L’Ile-de-France reste la région dominante pour l’accueil de tournages de fictions TV : elle capte près de la moitié des tournages (49%, soit 107 tournages et 2959 journées de travail), dont 17% à Paris intramuros. Suivent 5 régions, habituées du « top 5 » : PACA (14%), Rhône-Alpes (7%), Aquitaine (6%), Nord-Pas-de-Calais (4%), Poitou-Charentes (4%). Plus bas dans le classement, les régions Centre, Réunion, et Midi-Pyrénées enregistrent « les plus belles progressions » souligne l’étude. Avec, aussi, l’arrivée de tournages dans des régions jusqu’à présent ignorées : Basse-Normandie, Nouvelle-Calédonie, Champagne-Ardenne et Auvergne.
Dans le peloton de tête, on retrouve à peu près les mêmes que pour les longs métrages, c’est-à-dire Ile-de-France, Paca, Rhône-Alpes, Aquitaine, Poitou-Charentes, Nord-Pas-de-Calais, avec quelques variations dans le classement, note Patrick Lamassoure. Ces régions qui sont systématiquement leaders cumulent une politique d’incitation financière forte et une attractivité naturelle qui fait qu’on y tourne des œuvres, même sans aides. A l’exception de Poitou-Charentes dont l’activité est dépendante à 70% du soutien financier qu’elle apporte. En revanche, en Rhône-Alpes, par exemple, seuls 25% de l’activité sont attirés par des aides.
Dans les autres régions, l’activité audiovisuelle est étroitement liée, voire totalement, aux subventions des collectivités : Midi-Pyrénées à 63%, Bourgogne à 71%, Centre à 95%, Haute-Normandie à 98%, Corse à 100% etc.
23% des productions soutenues financièrement par les collectivités. Sur 6079 jours de tournage, 1289 ont lieu grâce au soutien financier de collectivités (21%). Sur 196 productions, 45 bénéficient d’un soutien local (23%).
Poitou-Charentes occupe la première place en termes de soutien à la production (aides du conseil régional ou des départements), avec 178 jours de tournages aidés et 5 productions en 2012. Globalement, la fiction audiovisuelle reste en retrait dans l’intervention des collectivités, par rapport aux longs métrages, dont la moitié reçoit une contribution financière des pouvoirs publics locaux. Cependant, la situation est en cours de rééquilibrage.
Il y a dix ans, les régions s’intéressaient très peu à l’audiovisuel, explique Patrick Lamassoure. Aujourd’hui, la situation évolue, car elles ont constaté qu’il existe de créations de qualité dans ce secteur. De plus, les productions audiovisuelles leur permettent d’accueillir des tournages de façon plus régulière que les longs métrages. Ainsi, en 2012, les régions ont dépensé 35 millions d’euros pour soutenir l’audiovisuel (contre 35,5 pour soutenir le cinéma) soit une progression de 17%, alors que le soutien au cinéma n’a progressé que de 3%.
Une bonne nouvelle : le repli des délocalisations. En 2012, les tournages à l’étranger sont revenus à 7% en termes de parts de marché, contre 10% en 2011. Un repli que Film France aborde cependant avec prudence.
Nous sommes un peu rassurés, dans la mesure où le phénomène est contenu, indique Patrick Lamassoure. Mais nous restons très vigilants, car actuellement nous sommes dans une situation concurrentielle très défavorable.
Des fictions très consommatrices de travail en studio. Pour la deuxième année consécutive, France Film a mesuré le nombre de journées travaillées en studio. Avec 1114 journées en 2012 (18,3% du temps de tournage), cette donnée est en hausse (13,7% en 2011). Cependant France Film aborde cette évolution avec prudence compte tenu du manque de recul.
Une hausse peut toutefois s’expliquer par la tendance aux formats courts, qui sont pour l’essentiel fabriqués en studio, analyse Patrick Lamassoure. Ces productions utilisent quelques décors, construits pour toute l’année.
Par ailleurs, les fictions audiovisuelles s’avèrent bien plus consommatrices de travail en studio que les longs métrages (6%).
Les séries recourent beaucoup au studio, car on est sur des décors récurrents, observe Patrick Lamassoure.
Là encore, l’Ile-de-France dispose d’une position dominante avec 66% des tournages.
Historiquement, cette région est le centre de l’activité audiovisuelle, donc c’est là que se sont construits les studios, précise Patrick Lamassoure. Cependant, le tournage de fictions audiovisuelles en studio concerne aussi quelques autres territoires, comme la Réunion, la Corse, Poitou-Charentes, car pour cette catégorie d’œuvres, les exigences techniques sont moins élevées que pour les longs métrages.
Pourquoi les durées de tournage se réduisent
Selon Patrick Lamassoure, délégué général de France Film, ce phénomène s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, les difficultés financières que traversent les chaînes de télévision en clair et cryptées, qui sont les plus gros diffuseurs de fictions. « Ces chaînes ont des obligations d’investissement dans la fiction française exprimées en pourcentage de leur chiffre d’affaires. Or ce dernier est en baisse. D’où la réduction des investissements. Ce qui conduit aussi les chaînes à demander aux équipes de produire aussi bien mais avec des temps de tournage réduits.
Les témoignages qui nous remontent des bureaux d’accueil des tournages vont dans ce sens », précise Patrick Lamassoure. Ensuite, « on observe un retrait progressif des formats traditionnels, la tendance étant aux formats plus courts, poursuit le délégué général. Ce pour des raisons financières mais aussi dans une logique de recherche d’audience, notamment sur le créneau de l’access prime time [plage horaire précédant l’émission du début de soirée, ndlr]. Ce sont des formats longs beaucoup moins longs à fabriquer.
En Ile-de-France, un fléchissement continu sur le long terme
En 2012, l’Ile-de-France est la région la plus touchée avec près de 9% de baisse (6525 journées en 2012, contre 7166 en 2011). « Il n’est pas étonnant que le leader, qui représente près de la moitié du volume global d’activité soit fortement touché par la baisse générale, estime Patrick Lamassoure, délégué général de Film France. A cela s’ajoute le fait que dans cette région, le fonds d’aide, extrêmement sollicité, en raison de la forte concentration géographique des producteurs, a donc atteint le maximum de ses possibilités. Certaines productions se déplacent donc vers d’autres régions. De 2005 à 2012, la courbe du nombre de jours de tournage en Ile-de-France montre un affaiblissement progressif, alors que l’ensemble des autres régions a plutôt tendance à croître. »
Film France aide les régions à évaluer les retombées économiques
Pour chiffrer précisément l’impact régional d’un tournage en emplois, en nuitées, repas et transports, il faudrait analyser les plans comptables des quelque 280 à 290 oeuvres tournées chaque année. « Ce qui relève de l’impossible, souligne Patrick Lamassoure, délégué général de Film France. « La seule façon d’évaluer ces retombées serait que chaque région le fasse au fil de l’eau avec les producteurs qui viennent tourner chez elles. C’est pourquoi nous sensibilisons les producteurs de cinéma et de télévision à l’importance de l’analyse de la dépense locale par rapport à la dépense nationale, à la nécessité de passer quelques heures là-dessus avec la commission locale du film [bureau d’accueil des tournages, ndlr]. »Lorsque le producteur bénéficie d’une aide de la région, il est contractuellement amené à le faire dans la plupart des cas. Les producteurs qui ne reçoivent pas d’aide n’ont, eux, aucune obligation de le faire. « Nous faisons alors de la pédagogie. Nous avons même élaboré une fiche de dépenses locales type, que nous avons diffusée auprès de toutes les régions. »
Ainsi un producteur qui va d’une région à une autre va prendre l’habitude de remplir à chaque fois un document standard. « C’est important pour pouvoir démontrer l’efficacité économique de ces interventions, insiste le délégué général. Mais nous demandons aussi à nos membres de ne pas se contenter de mentionner dans leurs bilans les sommes dépensées sur place. Car n’oublions pas qu’il s’agit de politique culturelle. La valeur d’une politique de soutien, ce sont aussi les remerciements officiels, les prix reçus, les succès en salle etc. C’est fondamental pour que les élus continuent de considérer qu’il est important de soutenir l’activité audiovisuelle. »
Thèmes abordés
Notes
Note 01 France Film est le nom de la commission nationale du film, une association regroupant le réseau des bureaux d’accueil de tournage Retour au texte