Parent pauvre de la chaine de déplacements il y a encore dix ans, la petite reine a su se faire une place non négligeable en milieu urbain, en partie grâce à l’émergence et à la prolifération des systèmes de libre-service. S’inspirant d’exemples étrangers où le vélo est roi (Pays-Bas et Japon notamment), les collectivités françaises jonglent entre aménagements de voirie, incitations financières et solutions d’intermodalité pour favoriser l’essor de ce mode de déplacement peu accidentogène, non polluant et aux bénéfices sanitaires reconnus.
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Comment le vélo grignote du terrain
Indéniablement, le vélo, mis au ban des villes par les politiques d’aménagement du « tout automobile » pendant plusieurs décennies, connait un nouvel essor en milieu urbain grâce à l’apparition des systèmes de VLS à partir du milieu des années 2000. Le lancement de Velov’ à Lyon en 2005, puis de Velib’ à Paris, ont initié l’équipement d’une petite quarantaine d’agglomérations de services similaires, dont l’exploitation est généralement adossée aux contrats de gestion du mobilier urbain publicitaire.
Au-delà de la France, ce mouvement touche un grand nombre de villes dans le monde. Ainsi, fin mai 2013, New York lançait les city bike. « Qui aurait parié là-dessus il y a 20 ans ? » se félicitait Jean-Marie Darmian, président du Club des villes et territoires cyclables à l’ouverture du congrès de l’association le 29 mai 2013 à Nice. Londres vient également de lancer un plan d’investissement de plus d’un milliard d’euros visant à multiplier par deux le nombre de cyclistes d’ici dix ans.
Les collectivités font la course en tête – Après des initiatives locales concluantes, la réglementation a évolué pour favoriser la circulation cycliste, avec le double-sens cyclable, le tourne-à-droite au feu rouge et les zones de rencontres. L’offre de stationnement fait également l’objet de nouvelles contraintes réglementaires.
A Lyon, le trafic cycliste a été multiplié par 3 à 4 en 8 ans. Bordeaux a vu la part modale du vélo passer de 3% il y a dix ans à 8% aujourd’hui. Cette réalité connait cependant de grandes disparités selon les villes : 15% des déplacements se font à vélo à Strasbourg, 1% à Marseille. Sans surprise, le relief joue un rôle important. La réponse à cette contrainte topologique pourrait venir des vélos à assistance électrique (VAE).
D’autres politiques incitatives, comme l’aide à l’achat, accompagnent cet essor, mais ce sont surtout les efforts continus des collectivités dans l’accroissement des linéaires d’aménagements cyclables et de l’offre de stationnement qui l’ont porté, ainsi que les initiatives visant à favoriser l’intermodalité. L’Etat, pour sa part, est resté en retrait : le budget « vélo » des villes et agglomérations est en moyenne de 3,35€ par an et par habitant quand l’Etat lui consacre 2,7 millions d’euros par an, soit 8 centimes d’euros par habitant… L’Etat investit globalement beaucoup plus chez nos voisins européens : 2,33 €/hab./an pour les Pays-Bas, 9,33 €/hab./an pour la Suisse, et même 10,72 €/hab./an pour la Norvège(1) .
Un changement de braquet pour l’Etat ? – Mais le lobbying croissant des élus locaux en faveur d’un soutien plus important de l’Etat et de l’Europe pourrait payer. Le Club des parlementaires pour le vélo, lancé le 5 juillet 2012, réunit aujourd’hui une petite centaine de députés et sénateurs, soit « 10% du Parlement [qui] vote vélo », s’enorgueillit le Club des villes et territoires cyclables, à l’instigation de ce regroupement.
L’Association des départements et régions cyclables (DRC), a lancé, en clôture de ses rencontres annuelles le 5 février 2013, un appel à « davantage de financements européens pour le vélo », que 231 élus avaient signé en juillet 2013. L’appel vise à défendre l’octroi par l’Union européenne de 12 millions d’euros à la France pour développer ses infrastructures cyclables, et notamment les tronçons des sept euro-vélo-routes qui traversent l’Hexagone. « Une somme ridicule, par rapport à l’importance des enjeux, mais indispensable pour structurer le réseau » estimait Alain Spada, président des DRC. Sur les 6000 km de tronçons de ces euro-vélo-routes, environ 50% ont été réalisées à l’heure actuelle, sous maîtrise d’ouvrage départementale avec des co-financements régionaux, le plus souvent.
Les DRC réclament le soutien de l’Etat à l’achèvement du schéma national des véloroutes et voies vertes (SN3V), à hauteur de « 5 à 7 millions d’euros par an », une proposition reprise par la commission 21 dans son rapport sur le Schéma national des infrastructures de transport (SNIT) remis le 27 juin 2013 au Premier ministre.
Dans la foulée, le ministre des Transports Frédéric Cuvillier a installé un groupe de travail, lequel a fourni la matière à l’élaboration d’un « Plan d’actions pour les mobilités actives » (Pama), présenté en mars 2014. Pour l’heure, l’Etat n’a pas débloqué d’argent, si on exclut le volet « mobilité » des nouveaux CPER, dans lequel certaines régions ont déjà prévu de puiser pour développer le vélo.