Un « schéma numérique » pour entrer de plain-pied dans le livre dématérialisé
Sur le terrain des nouvelles technologies, l’automne sera marqué par la préparation d’un « schéma numérique », au niveau national. Depuis un an, Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France (BnF), pilote la réflexion sur ce futur document.
Quatre groupes de travail ont été constitués sur les thèmes suivants :
- évaluation,
- acquisitions,
- capacité de sauvegarde des données permanentes,
- cartographie des projets.
L’ensemble des acteurs concernés participent à ces groupes, dont des représentants de collectivités territoriales, et de l’Enseignement supérieur. Bruno Racine remettra ses conclusions à Frédéric Mitterrand, ministre de la culture, lors du Conseil du livre du mois de novembre. L’objectif est notamment d’éviter les redondances et de disposer d’une meilleure programmation, précise Nicolas Georges.
Au cours de l’été, ce dossier s’est complexifié avec la polémique autour des discussions engagées par la BnF avec Google, sur un éventuel partenariat visant à accélérer la numérisation des fonds. Le 26 octobre, le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand, a installé une commission ad hoc, présidée par Marc Tessier, président de Video Futur Entertainment Group, ancien président de France Télévision, et ancien directeur du Centre nationale de la cinématographie.
Cette commission devra réfléchir aux conditions d’un éventuel accord entre l’Etat et un opérateur privé. La commission devra rendre un rapport d’étape le 24 novembre et ses conclusions définitives avant le 15 décembre. Elle déterminera notamment « les points considérés comme non négociables pour la partie française » et préciser « les axes de collaboration à ce jour évoqués entre la BnF et Google ».
Une démarche « participative » pour le suivi des bibliothèques
Le nouveau dispositif de suivi de l’activité des bibliothèques territoriales sera, selon Nicolas Georges, directeur du livre et de la lecture par intérim plus participatif. Selon le département des bibliothèques publiques et du développement de la lecture, la démarche de participation a été introduite dès la conception du nouveau dispositif, avec près d’un an de réunions associant des responsables de bibliothèques territoriales, des représentants du Conseiller livre des Directions régionales des affaires culturelles (Drac) livre, des statisticiens du ministère de la culture.
La notion de participation se retrouve aussi dans l’aspect opérationnel, la remontée des informations se faisant en deux temps.
A un premier niveau, l’Etat mettra en place, comme il le fait actuellement, une procédure d’enquête annuelle auprès des villes de plus de 10 000 habitants, avec un formulaire révisé.
Second niveau : les bibliothèques départementales de prêt (BDP) collecteront les informations auprès des bibliothèques de leurs réseaux, à partir d’un formulaire allégé, puis les feront remonter à la DLL. Ainsi, précise-t-on à la DLL, nous pourrons toucher 12 à 15 000 bibliothèques, avec un effort démultiplié, en appui sur les BDP. Actuellement, la DLL ne touche qu’environ 4000 bibliothèques, compte tenu des critères retenus (horaires, surface, coût d’acquisitions par habitant etc.) pour constituer l’échantillon et le nombre de personnes (1,5 poste) qui s’occupent de la question à la direction du livre.
La nouvelle procédure permettra aussi aux partenaires de la DLL (professionnels ou élus locaux, notamment) de disposer d’une « restitution dynamique », avec accès aux données d’activités des autres équipements de leur secteur, croisements de chiffres, comparaisons etc.
Des aides proportionnelles au coût pour élargir les horaires
Les communes qui souhaitent allonger les plages d’ouverture de leur bibliothèque recevront de l’Etat une subvention proportionnelle au coût induit par cette mesure. Il leur revient donc de décider au préalable l’ampleur de l’extension (nombre d’heures en plus, nombre de jours fériés dans l’année) et d’évaluer les mesures nécessaires (rémunération d’heures supplémentaires, emplois de vacataires).
A titre d’exemple, Troyes (Aube), première ville à avoir signé une convention avec la DLL, s’est vue attribuer une subvention de 22.000 euros correspondant à un an d’ouverture. Les extensions d’horaires pourront démarrer en soit en 2009, soit l’année suivante. La DLL dressera un bilan au bout de trois ans.
Une logique de « projet » pour les aides à l’acquisition
En 2009, le Centre national du livre (CNL) a réformé son dispositif de crédits d’acquisitions attribués aux bibliothèques publiques. Nous avons voulu sortir d’une logique d’aide un peu automatique, rapportée aux mères carrés couverts par les bibliothèques, pour aller vers une logique de projets, visant à favoriser la diffusion des certains secteurs éditoriaux soutenus par le Centre national du livre au sein des bibliothèques territoriales, précise-t-on au bureau de la diffusion du livre, au CNL.
Le dispositif se décline entre aide à la constitution d’un premier fonds, qui couvre tous les champs documentaires dont la diffusion est soutenue par le CNL, et des aides thématiques, qui concernent un ou deux champs. Les champs documentaires sont centrés autour de la littérature étrangère, la poésie, le théâtre etc. des domaines en faveur desquels le CNL intervient de manière prioritaire.
Toutes les bibliothèques sont concernées : municipales, départementales, associatives, spécialisées, universitaires, pénitentiaires, hospitalières, etc. à l’exception de celles qui pratiquent la location d’ouvrages payants, et celles des établissements scolaires.
Au total, ces aides représentent quelque 4 millions d’euros de crédits. Désormais, les bibliothèques territoriales sont donc invitées à réfléchir dans une perspective de « projets d’acquisitions ». Le CNL a prévu un dispositif de bonification pour les projets jugés « remarquables » par sa commission thématique, dans la limite de 10% des projets, permettant d’augmenter la subvention à hauteur de 80%.
En 2009, neuf équipements en ont bénéficié, dont trois établissements pénitentiaires travaillant avec des bibliothèques municipales (réseau des bibliothèques pénitentiaires du Nord-Pas-de-Calais, celui du Muret, en Haute-Garonne, et celui de Pau dans les Pyrénées Atlantiques).
Cette réforme reste mal connue des responsables de bibliothèques, notamment dans les petites communes : lors de leur demande de subvention, en 2009, certains ont été éconduits, faute d’avoir présenté un dossier conforme aux nouvelles règles. D’où une déception et le mécontentement qui favorisent l’inquiétude sur la pérennité de ce dispositif d’aide aux acquisitions.
Une évaluation de la loi de 2003 pour réviser les modalités de rabais
La DLL souhaite procéder à une évaluation de l’application de la loi du 18 juin 2003 sur le droit de prêt en bibliothèque. Il s’agit notamment d’évaluer l’impact de la limitation des rabais sur la présence des librairies de proximité dans les commandes publiques de livres.
La DLL et nombre de collectivités reçoivent les plaintes de libraires sur la résurgence de la situation antérieure, marquée par l’omniprésence des grands opérateurs sur les marchés publics. A la lumière de cette évaluation à venir, certaines évolutions réglementaires pourraient être décidées, afin de préserver la place des libraires indépendants, tant dans les commandes de livres scolaires, que dans les commandes des bibliothèques.
Cet article fait partie du Dossier
Les chantiers et défis de la lecture publique
Sommaire du dossier
- L’essentiel – Les chantiers et défis de la lecture publique
- Les bibliothèques à l’épreuve de la réforme territoriale
- 14 propositions du ministère de la Culture aux collectivités
- Interviews des professionnels sur l’offre Google
- Bibliothèques : faut-il avoir peur de Google ?
- Numérisation du patrimoine : la « commission Tessier » préconise un partenariat public-privé basé sur l’échange de fichiers
- Interview de Nicolas Georges : les chantiers de la DLL – audio
- Europeana et les bibliothèques françaises
- Cinq dossiers, cinq méthodes
- Nouveau label LIR : quel rôle pour les communes ?
- Ressources et textes officiels
Thèmes abordés