Pourquoi êtes-vous sceptique devant les 14 métropoles prévues par l’acte III de la décentralisation ?
Il y a, dans ces projets de loi, un petit travers français dont souffrait déjà le précédent gouvernement qui ne jurait déjà que par cette logique de structures. Or, une structure administrative n’entraîne pas forcément du développement. Une métropole, ça ne se décrète pas !
Combien la France compte-t-elle, selon vous, de véritables métropoles ?
Au pire deux, au mieux trois. Nous avons bien sûr le Grand Paris qui, à mon sens, doit s’étendre jusqu’au Havre afin de se créer des débouchés à l’export. Le Grand Lyon fait aussi partie de cette catégorie.
Avec son port, Marseille peut y prétendre.
Mais en dehors de ces territoires, il ne faut pas trop en faire car le risque, c’est celui de la perte de pouvoir des régions au profit de groupements dont l’efficacité n’est pas démontrée.
Pourquoi, selon vous, la décentralisation favorise-t-elle la croissance ?
Les conclusions de l’OCDE sont sans appel : les pays où les régions sont fortes sont ceux qui obtiennent les meilleures performances économiques.
En France, la régionalisation est la meilleure réponse à un développement industriel de plus en en plus disparate. Nous sommes sortis de l’époque de Pompidou, du lancement du Concorde et du développement de la politique nucléaire qui correspondaient à des territoires homogènes.
Pourquoi jugez-vous les politiques industrielles nationales contre-productives ?
Elles peuvent être utiles, en cas d’urgence, quand l’Etat négocie en direct avec tel ou tel grand groupe. Mais l’avenir passe davantage, à mes yeux, par des coopérations entre régions européennes. Contrairement à une idée reçue, une politique industrielle nationale ne réduit pas les inégalités. Le seul facteur de maintien de l’activité développement, ce n’est pas la Datar mais le maintien des prestations sociales.
Sans cela, un département comme la Nièvre rencontrerait de bien plus grandes difficultés.
Quelles conclusions en tirez-vous pour l’institution départementale ?
Elle n’exerce, certes, pas un rôle stratégique en matière de politiques publiques mais s’il disparait, il faudra bien une autre collectivité pour distribuer l’APA ou le RSA.
Sa suppression est, donc, un marronnier, au même titre que la disparition des communes. Ce qui pose problème, ce n’est pas tant le millefeuille des échelons de collectivités que le manque de coordination.
L’acte III contribue-t-il à débroussailler ce maquis administratif ?
Les conférences territoriales de l’action publique prévues par les projets de loi de décentralisation vont plutôt dans le bon sens. Certes, il aurait sans doute mieux valu, à l’époque où Jean-Pierre Raffarin était Premier ministre, donner à la région un vrai leadership en matière économique. Mais, compte tenu de l’impossibilité constitutionnelle de remettre en cause l’interdiction de tutelle d’une collectivité sur une autre, ces conférences sont un premier pas vers la coordination.
Comment jugez-vous l’action des agences de développement économique ?
Il y en a trop et, du coup, leur budget se révèle souvent trop limité pour agir. Il faut aller vers davantage de régionalisation, ainsi que l’ont déjà fait les chambres consulaires.
Les pôles de compétitivité peuvent-ils être un moteur du développement local ?
Ils sont trop nombreux et restent trop orientés sur la recherche. Les régions ont vocation à y être plus présentes. Car, autant les relations entre l’exécutif et les entreprises sont exécrables à l’échelle nationale, autant elles sont bonnes sur le plan local. C’est notamment le cas en Aquitaine et en Bretagne.
Les régions financent les transferts de technologie et mettent de l’huile dans les rouages. Et cela marche. Le développement économique, c’est, avant tout, un état d’esprit.
Quelles mesures préconisez-vous pour renforcer les pouvoirs des régions ?
Je propose que les scrutins aient lieu à des dates différentes, selon les régions. Il faut aussi que l’Insee renforce considérablement son appareil statistique pour offrir des données fiables sur chaque région.
Aujourd’hui, nous n’avons pas un appareil statistique digne d’un pays décentralisé.