« Nous affirmons que les villes moyennes créent un lien vital entre les territoires et l’enseignement supérieur et la recherche, en faisant vivre le pacte républicain. Nous voulons participer à l’élaboration et à la gouvernance de la stratégie universitaire et au volet ‘enseignement supérieur-recherche-innovation’ des prochains CPER [contrats de projets Etat-région] 2014-2020. »
C’est en ces termes que Christian Pierret, président de la Fédération des villes moyennes (FVM), a résumé le 17 avril le « manifeste » des communes de 20 000 à 100 000 habitants (1), publié en vue de la réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) adoptée en Conseil des ministres le 20 mars.
Un argumentaire développé en présence du représentant de l’Etat (Daniel Filatre, conseiller formation-orientation-insertion de la ministre de l’ESR, Geneviève Fioraso), et de celui des universités (Jean-Loup Salzman, président de la Conférence des présidents d’université).
« Pourtant, l’ESR ne fait pas partie de nos compétences, et nos contribuables paient comparativement plus pour leurs pôles universitaires que ceux des métropoles régionales », a souligné Christian Pierret.
Pour étayer son plaidoyer, le maire de Saint-Dié-des-Vosges (Vosges) avait réuni le même jour élus locaux et responsables d’universités et de grandes écoles implantées dans des villes moyennes pour débattre des vertus de la « proximité » en matière d’ESR :
- ancrage des formations dans l’économie des territoires,
- prise en compte des conditions de vie des étudiants (logement, transports, restauration, vie culturelle…),
- démocratisation de l’accès aux formations supérieures, etc.
« 20 % des étudiants fréquentent universités ou grandes écoles implantées dans des villes moyennes, le taux de boursiers y est supérieur à la moyenne nationale », rappelle la FVM.
« Il ne s’agit pas uniquement d’aménagement du territoire, mais aussi d’une problématique économique et sociale », a insisté Gilles Craspay, maire-adjoint de Tarbes (Hautes-Pyrénées) et directeur du Centre universitaire Tarbes-Pyrénées.
Ancrer les formations dans l’économie du territoire – De ce fait, dans beaucoup de villes moyennes, l’ESR relève de la commission « économie » comme, par exemple, à Béziers (Hérault). « Au sein de l’agglomération, quand je parle enseignement supérieur et recherche, j’argumente en termes d’emplois, confirme Françoise Lestien, conseillère communautaire de Saint-Nazaire Agglomération (Loire-Atlantique). Notre stratégie est d’ancrer les formations dans l’économie de notre territoire et de rechercher les plus values qu’elles peuvent apporter aux entreprises. Le travail de l’agglomération consiste à mettre autour de la table tous les acteurs économiques et à raisonner avec eux en termes de filières complètes, qui sont implantées sur le site nazairien et que l’on ne trouve pas à Nantes. Car nous ne voulons pas être une annexe universitaire de Nantes. »
Quant à la dimension sociale, elle consiste à « dire aux familles de Saint-Nazaire que nous offrons à leurs enfants la possibilité de suivre sur place une formation universitaire », précise Françoise Lestien.
A Béziers, cela se traduit par le fait que « 75 % des étudiants viennent d’un rayon de 200 kilomètres, calcule Raymond Couderc, sénateur-maire de Béziers. Avec 93 000 étudiants, Montpellier offre forcément des logements trop chers pour nombre d’étudiants. Les conditions de vie à Béziers séduisent beaucoup de jeunes, avec une proximité entre étudiants et enseignants, qui participe de la prévention de l’échec universitaire. »
Ecosystème des territoires sans hiérarchisation des échelons Daniel Pilatre, conseiller formation-orientation-insertion de la ministre de l’ESR, a tenté de rassurer les élus en parlant d’un « écosystème des territoires, sans hiérarchisation des échelons ».
Une implication financière « très forte »
« Les villes moyennes doivent s’impliquer dans l’enseignement supérieur et la recherche, et y mettre de l’argent, affirme Raymond Couderc, sénateur-maire de Béziers (Hérault), président de Béziers-Agglomération et vice-président de la FVM. A Béziers, nous prenons en charge le déficit du restaurant universitaire, et le service jeunesse, la médiathèque et le pôle des langues occitanes s’impliquent dans la vie étudiante. En matière de logement, le service jeunesse a pris le relais du Crous, qui s’est désengagé. Notre implication financière est très forte, à travers la maîtrise d’ouvrage d’équipements, la mise à disposition de personnel, etc. Nous prenons aussi en charge les frais de transports des enseignants venant de Montpellier, pour les inciter à venir. Ce que nous reproche la chambre régionale des comptes. Pour ce qui est des investissements, depuis 20 ans, ils sont de l’ordre de 15 millions d’euros. Les frais de fonctionnement pris en charge par l’agglomération sont de l’ordre de 150 000 euros par an. »
A Saint-Nazaire, les conditions de vie des étudiants font aussi partie des priorités de la collectivité, notamment le logement et les transports. « Nous consacrons 400 000 euros par an à l’ESR, et nous émargeons au contrat de projet Etat-région pour la construction de certains bâtiments », témoigne Françoise Lestien, qui siège au conseil d’administration de l’université.
« Nous aider, pas seulement à travers des financements, mais aussi en nous ouvrant des possibilités d’intervention »
Gilles Craspay, maire-adjoint de Tarbes (Hautes-Pyrénées) et directeur du Centre universitaire Tarbes-Pyrénées
« Il existe une divergence de vues entre l’Etat et les villes moyennes. L’Etat est tenté par une certaine forme de concentration, avec l’objectif de regrouper les équipements universitaires et de recherche pour leur donner de la visibilité au niveau international. Au risque de perdre de vue la bonne répartition des étudiants sur le territoire. Pour nous, villes moyennes, il ne s’agit pas uniquement d’aménagement du territoire, mais aussi d’une problématique économique et sociale. Les villes moyennes assurent aux étudiants un accueil de proximité. La présence de pôles d’enseignement supérieur et de recherche se traduit également par des innovations, qui participent du développement économique local. Cela enrichit bien sûr nos territoires, mais aussi l’ensemble de la Nation. Or cet aspect de la question est souvent négligé. Nous risquons d’avoir du mal à nous retrouver dans le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche. L’Etat doit aider les villes moyennes qui veulent s’engager dans ce domaine. Pas seulement à travers des financements, mais aussi en nous donnant des possibilités d’intervention. »
Ce que revendique la FVM pour s’impliquer dans la politique nationale en faveur de l’ESR
Dans son « manifeste », la Fédération des villes moyennes (FVM) avance une vingtaine de revendications pour entrer de plain-pied dans le cercle des acteurs majeurs de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Une dizaine vise à impliquer directement les villes dans les dispositifs stratégiques.
- l’inscription de « la dimension de cohésion territoriale » dans les missions de service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, « et pas seulement l’attractivité du territoire national »
- l’association « de droit » des collectivités locales à tous les schémas stratégiques ou opérationnels impactant les dispositifs locaux de qualification des populations ou de développement économique et d’emploi
- l’association « obligatoire » des régions et des autres collectivités territoriales aux contrats pluriannuels d’établissement
- l’association des villes moyennes et de leurs groupements au volet « enseignement supérieur, recherche, innovation » de la prochaine génération de contrats de projets Etat-région (2014-2020)
- l’autorisation, pour les collectivités impliquées financièrement, de participer à la gouvernance et à la définition de la stratégie universitaire
- l’obligation d’une concertation avec les collectivités avant toute fermeture de formation
- l’association des collectivités locales à la région pour définir le contenu des schémas régionaux de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, en précisant que « ces schémas doivent favoriser la démocratisation de l’enseignement supérieur et l’insertion »
Références
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Réforme de l’enseignement supérieur et villes moyennes : la proximité, clé de la compétitivité Retour au texte