Surprise au Palais du Luxembourg ce 16 avril 2013. Le sénateur (PS) et président du conseil général de la Haute-Saône, Yves Krattinger, qui, paraissait tenir la corde, n’a pas été désigné comme rapporteur du premier des trois projets de loi de décentralisation présentés le 10 avril en conseil des ministres.
C’est René Vandierendonck (PS) qui assumera cette mission. L’élu siège à la Haute assemblée depuis seulement 2011. Mais l’ancien maire de Roubaix (1994-2012), toujours vice-président de la communauté urbaine de Lille Métropole, colle à la vocation urbaine du premier texte.
Les métropoles d’abord – Ce projet de loi sera débattu à la Haute assemblée à partir du 27 mai. Le gouvernement doit impérativement le faire voter avant les élections municipales de 2014. Les règles du jeu ne peuvent, en effet, être modifiées, en cours de mandat.
Au-delà des métropoles à statut particulier de Paris, Lyon et Marseille, le texte prévoit l’instauration par décret de onze métropoles à Toulouse, Lille, Bordeaux, Nice, Nantes, Strasbourg, Grenoble, Rennes, Rouen, Toulon et Montpellier. Si ce canevas est validé, les groupements concernés n’auront pas le choix. Les métropoles seront imposées par la loi, à l’instar, en 1966, des communautés urbaines de Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg.
Elles disposeront de larges compétences. A partir du 1er janvier 2017, les conseils généraux devront leur transférer « différentes missions sociales : fonds de solidarité pour le logement, action sociale, insertion, aide aux jeunes en difficulté, prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficulté ».
Un schéma qui suscite l’ire de l’Assemblée des départements de France. Pour l’ADF, des « métropoles ne peuvent exister en deça d’une taille critique de plusieurs millions d’habitants ». « De surcroit, elles ne peuvent s’affirmer durablement si elles se contentent de capter les richesses aux dépends des territoires environnants », juge le groupement présidé par Claudy Lebreton (PS) dans un communiqué publié le 15 avril.
Et l’ADF de mettre en garde contre « des politiques de solidarité à deux vitesses entre les territoires urbains et périurbains ». Un point de vue partagé par des présidents de conseils généraux socialistes, souvent influents au Sénat. Lors de la réforme territoriale de 2010, la Haute assemblée avait vidé de sa substance le volet urbain du projet de loi.
A ce stade, l’exécutif affiche son volontarisme. Particulièrement à propos de la fusion des six principales intercommunalités des Bouches-du-Rhône au sein de la métropole Aix-Marseille-Provence. Une opération qui, en dehors de la cité phocéenne, provoque un tir de barrage de la part des maires concernés.
« L’argument de la proximité ne tient pas, car les conseils des territoires joueront le rôle des actuelles communautés. La vérité, c’est que les opposants à la métropole ne veulent pas partager le gâteau fiscal », tranche une source proche du gouvernement.
Les fonds structurels, dynamo pour les régions – Par ailleurs, les deux ministres en charge du dossier, Marylise Lebranchu et Anne-Marie Escoffier croient avoir trouvé la recette pour faire adopter le deuxième texte avant fin 2013.
Elles ont inséré dans ce projet de loi, dont le début de l’examen est annoncé en octobre, les dispositions relatives au transfert aux régions de tout ou partie du Fonds européen de développement régional et du Fonds social européen (hors-inclusion sociale).
Une opération qui doit être menée avant la mise en place de la nouvelle politique régionale européenne 2014-2020 au 1er janvier 2014…
Passe-t-elle nécessairement par une loi ? Non, mais le gouvernement souhaite que ses modalités soient débattues au Parlement. Et, si le transfert en lui-même ne requiert pas une loi, le transfert de la responsabilité financière aux régions relève, lui, bel et bien du Parlement. C’est, en tout cas, ce chapitre qui devrait entraîner le plus de transfert de personnels de l’Etat vers les collectivités.
Selon une estimation gouvernementale, environ 300 agents relevant des différents secrétariats généraux aux affaires régionales seraient concernés.
Le troisième texte après les sénatoriales – Enfin, des sources proches des associations d’élus et du gouvernement confirment que le troisième texte est renvoyé aux calendes grecques. Les sénateurs socialistes ont eu « la peau » de ce volet augmentant les pouvoirs des intercommunalités.
Soucieux d’éviter de se voir reprocher de telles mesures par leurs électeurs, à 95 % des représentants des conseils municipaux, ils ont obtenu que ces dispositions soient examinées en dernier. Le gouvernement a entendu leurs arguments.
Alors que les municipales s’annoncent difficiles pour la majorité, l’exécutif ne devrait pas faire adopter ce texte avant les sénatoriales de septembre 2014. Les réorganisations intercommunales avaient pesé lourd, en 2011, dans la défaite de la droite à la chambre haute.