Au milieu de la forêt de pins dans les Landes, la chasse aux données est ouverte dans cette commune de 800 habitants et 54 km2. En rentrant dans la salle du petit village, ce 6 avril, les cerveaux sont en ébullition. Depuis deux jours, les organisateurs se mobilisent pour sensibiliser les habitants aux enjeux de l’open data participatif, et explorer les données de la commune à libérer, à travers l’Opération libre.
Photopartie, cartopartie, archivage, tous les moyens sont bons pour récupérer les données afin d’alimenter le portail open data de Brocas. « Ce matin, nous avons pris des photos de la commune avec un parapente à moteur, » explique fièrement Jean-Christophe Elineau, conseiller municipal et informaticien à l’initiative du projet.
« Notre but est d’interpeler les citoyens de Brocas et de les faire participer à la récolte des données », précise l’élu. « On veut être une commune inscrite dans notre temps, » ajoute Jean-Luc Blanc-Simon, maire de Brocas et agriculteur.
Une ouverture participative et intergénérationnelle – Devant l’écran de présentation, les enfants très concentrés assistent au travail effectué par les équipes présentes. Derrière, les personnes plus âgées commentent les photos aériennes prises le matin.
Paul Maisonneuve et Maïté Crouts de Paille, habitants de la commune impliqués dans l’enrichissement documentaire, en ont profité pour apporter de nombreuses archives. Plan de la commune, photos anciennes et récit sur les élus de Brocas. Cette démarche s’ajoute au travail de collecte des différents partenaires. L’occasion de revisiter le patrimoine industriel des forges et de la richesse de la biodiversité locale.
L’association Tela Botanica, a ainsi collecté un échantillon de la faune et de la flore locale. De leur côté, des membres de Wikimédia et d’Open Street Map ont contribué à la collecte de données topographiques, architecturales. « Cette action peut servir aux pompiers afin de mieux géolocaliser les lieux d’incendie », souligne Christian Quest, vice-président d’Open Street Map France. Une nécessité dans une région forestière comme les Landes.
Moderniser l’action publique – « Le but est également de moderniser l’action publique », rappelle Jean-Luc Blanc-Simon. « Lorsque nous lançons des projets pour la rénovation de l’Eglise ou de nouveaux lotissements, nous mettons l’accent sur un modèle collaboratif, » explique le maire qui espère « améliorer la confiance entre les élus et les administrés par cette démarche. »
Avec cette opération, « nous ne voulons pas rester seul dans notre coin et nous voulons qu’elle suscite des envies dans d’autres collectivités, notamment pour des informations d’urbanisme local, très demandées, » comme le souligne le dernier rapport de la CADA (p 70), la commission d’accès aux documents administratifs chargée de traiter les demandes d’accès aux informations publiques.
En revanche, le maire rappelle que « les données de la communauté de communes du pays d’Albret [à laquelle appartient Brocas, ndlr], du département et de la région concernant Brocas ne font pas à ce jour l’objet d’une libération ».
Un cloisonnement qui peut représenter une barrière pour les réutilisateurs, malgré la prochaine obligation pour les collectivités de publier ces données.
Sur les données municipales, les visages se crispent lorsque Tangui Morlier de Regards Citoyens évoque l’exploitation de « l’assiduité des élus au conseil municipal. » Mais les visualisations sont bien reçues par les habitants venus assister à la restitution des travaux dimanche soir.
Elaborer une méthodologie – « L’idée de l’opération n’était pas d’arriver à un projet abouti, mais de questionner l’ouverture et d’identifier les leviers sur lesquels on peut jouer pour la suite, analyse Claire Gallon, de LiberTic. L’opération de Brocas confirme qu’il y a des données à récupérer un peu partout, que l’on peut développer des partenariats avec les habitants, avec d’autres niveaux d’administration et d’autres acteurs. Maintenant que cette réalisation est faite, il faut désormais travailler au développement de l’initiative auprès d’autres communes ».
Lucide et volontaire, Jean-Luc Blanc-Simon, le maire de Brocas, tire lui aussi un bilan positif : « C’est vraiment le tout début et les prémices. En termes de financement de cette opération, nous avons décidé d’assumer nous même, puisque nous nous sommes heurté à un refus de subvention de la région. Il y a un peu d’improvisation, mais c’est aussi le charme de l’expérience. Si on veut développer le projet, c’est la seule manière de voir les lacunes, afin de mieux faire la fois prochaine. »
« A présent, il va falloir pérenniser cette action, » conclut Jean-Christophe Elineau à l’origine de l’Opération Libre, ajoutant que Brocas mettra rapidement à disposition 50 jeux de données.
Les huit organisations participantes à l’Opération Libre
Creative Commons France, Framasoft, Libre Office, LiberTic, Open Knowledge Foundation France, Open Street Map France, Regards Citoyens,Wikimédia France.