« Scénario négaWatt, emplois et économie : une synergie gagnante ! » En présentant, vendredi 29 mars 2013 à Paris, une étude sur l’impact socio-économique de son projet, l’association négaWatt a changé de slogan. Et sans doute voulu donner ainsi une dimension plus classiquement économique au modèle fondé sur la sobriété, l’efficacité et les énergies renouvelables, qualifiée de « trilogie du bon sens », qu’elle vante dans son Manifeste de janvier 2012 .
Un scénario fortement créateur d’emplois – L’exercice a été réalisé par un « économiste de l’environnement », Philippe Quirion, chargé de recherches au CNRS. Il établit que la mise en œuvre du scénario proposé par négaWatt générerait 632 000 emplois de plus d’ici 2030 que le scénario tendanciel – entendu comme une poursuite du modèle économique actuel. A l’appui de cette prévision, une analyse de l’évolution de l’emploi dans les principaux domaines concernés par la transition énergétique : le bâtiment, les transports, les énergies renouvelables, le nucléaire, les énergies fossiles – pétrole, gaz et charbon – et les réseaux.
Des gagnants et des perdants – Le scénario négaWatt voit des secteurs d’activité créer des postes et d’autres en supprimer. Principaux gagnants : la rénovation des bâtiments, les énergies renouvelables, les transports en commun ainsi que le frêt ferroviaire et fluvial ; côté perdants : la construction de nouveaux bâtiments, le transport routier, les énergies non renouvelables et les réseaux de gaz et d’électricité. L’étude précise aussi « certainement sous-estimer les gains d’emplois dans le bâtiment et surestimer les (pertes) dans les transports ». Rendant encore plus séduisant un « cercle vertueux (qui) augmente régulièrement notre autonomie, notre sécurité et notre capacité à résister aux chocs économiques, géopolitiques, naturels ou industriels ».
Un « authentique développement durable » – « La transition énergétique est une chance et non une contrainte, une réelle opportunité pour l’emploi et l’économie », commente l’association. Qui prétend défendre « un authentique développement durable », lequel consiste à « léguer des bienfaits et des rentes aux générations futures et non des fardeaux et des dettes ». Ce « véritable projet de société » prône la fin du nucléaire en 2033 et une forte diminution du recours aux combustibles fossiles, au profit d’une « palette très diversifiée » d’énergies renouvelables – mais essentiellement la biomasse, l’éolien et le photovoltaïque, ainsi que le solaire thermique dans une moindre mesure.
Le PIB, grand absent – Contrairement à d’autres scénarios, le programme négaWatt ne fait pas référence à l’évolution du Produit intérieur brut (PIB). Ses rédacteurs assument : « Le taux de croissance du PIB n’est pas un objectif en soi. Cet indicateur comporte de graves lacunes. ll ne rend pas compte de facteurs aussi essentiels que le bien-être ou la santé dans le domaine social ou que les changements climatiques, les pollutions ou la perte de biodiversité dans le domaine environnemental. »
« Une spirale de décroissance inacceptable » – Une telle approche l’expose aux foudres de ceux qui, à l’image de l’Union française de l’électricité (UFE), dénonce « une posture visant à inscrire la France dans une spirale de décroissance inacceptable sur le plan économique, social et industriel ». Ainsi, quand négaWatt vise un système énergétique fondé à 90% sur l’utilisation d’énergies renouvelables grâce à une réduction de 65% de notre consommation d’énergie actuelle, l’UFE, sans remettre en cause « la nécessité absolue d’être plus efficient », vante son propre modèle, dans lequel reprise économique et croissance de la demande d’énergie sont indissociables.
A chacun ses experts – L’UFE et d’autres encore, comme le syndicat FO, reprochent plus généralement à négaWatt ainsi qu’aux ONG qui lui sont proches de porter dans le débat national sur la transition énergétique (DNTE) des propositions « relevant plus du postulat que de la contribution réaliste ». Ils auraient aussi beau jeu de mettre en exergue le parcours de l’économiste auteur de l’étude sur l’impact socio-économique du scénario négaWatt : Philippe Quirion appartient à la direction de l’association et il est membre de Réseau Action Climat, qui milite pour une sortie du nucléaire. Mais en vérité, chaque camp engendre ses propres experts acquis à la cause.
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