La Seine-Saint-Denis compte quatre « ZSP », dispositif sécuritaire phare du ministre de l’Intérieur Manuel Valls, à Saint-Ouen et Saint-Denis depuis septembre 2012, à Sevran et Aubervilliers-Pantin depuis janvier 2013.
Dans ce département – le plus pauvre de France métropolitaine en termes de revenus par habitant, et où 36% de la population a moins de 20 ans – (voir contexte territorial ci-contre) « l’objectif numéro un » est la lutte contre le trafic de stupéfiants, selon le préfet Christian Lambert, qui considère ces zones où police, justice et collectivités collaborent intensément comme des « laboratoires ».
L’idée est de permettre « une très forte action sur l’économie souterraine », selon le préfet. Depuis septembre 2012, en plus des 81 kilogrammes de cannabis saisis, les policiers ont mis la main sur près de 250.000 euros en liquide et 34 armes à feu en ZSP.
A Saint-Ouen, les interpellations pour trafic de drogue ont bondi de 38%. Sur la zone entre Pantin et Aubervilliers, les vendeurs à la sauvette de cigarettes ont été particulièrement ciblés. A Saint-Denis, les vols avec violence (sacs, téléphones, colliers arrachés, vols à la portière des voitures) enregistrent une baisse de 30% sur un an.
Déstructurer les trafics – Sur les quatre ZSP, plus de 24.000 policiers sont intervenus en six mois. Quelque 49.000 personnes ont été contrôlées sur cette période, 2.586 interpellées et 1.353 placées en garde à vue, dont 512 pour infraction à la législation sur les stupéfiants.
« Le trafic de stupéfiants est tel en Seine-Saint-Denis que si on démantèle le trafic autour d’un point de deal, on sait très bien qu’il va se reconstruire, la stratégie c’est donc de chercher à déstructurer la délinquance (…) en ciblant notamment la rentabilité économique du trafic à tous les niveaux, y compris celui des acheteurs », explique la procureure de la République de Bobigny, Sylvie Moisson.
Plus de 900 acheteurs de drogue ont été contrôlés, et l’intervention des douanes – qui les accompagnent parfois jusqu’au distributeur de billets pour qu’ils paient leur amende – permet de les sanctionner sur le champ.
Mais les ZSP, c’est aussi un « volet prévention », insiste M. Lambert. Une fois par mois, le préfet et la procureur ont réuni associations, habitants, élus, représentants de l’Éducation nationale, de Pôle Emploi… de chaque ZSP.
« Exactions violentes » – L’association sevranaise Idees a ainsi pu demander des subventions pour « coacher » des jeunes gravitant autour du trafic de stupéfiants et exclus des dispositifs classiques, afin qu’ils trouvent un emploi susceptible de les sortir de leur situation.
A Sevran, où des CRS avaient été déployés en 2011 et 2012 pour s’interposer entre trafiquants et habitants, la ZSP ne convainc pas tout le monde. « C’est du rafistolage, pas une action de fond », critique un habitant qui souhaite rester anonyme. Le maire EELV, Stéphane Gatignon, estime qu’il est « trop tôt » pour un bilan.
« Il y a manifestement eu une activité accrue des policiers », se félicite pour sa part le maire socialiste d’Aubervilliers, Jacques Salvator, qui a noté une baisse des incivilités, mais regrette « des pics » d’agressions sur la voie publique. « Il y a quelques mois encore, je recevais constamment des plaintes de gens qui disaient que la police ne faisait rien, ça s’est calmé », ajoute le maire qui veut installer des caméras de vidéosurveillance.
Récrudescence des tensions – Signe qu’ils dérangent, « les policiers se heurtent de plus en plus à des exactions violentes à leur égard » dans les ZSP, pointe Mme Moisson. « Les rapports sont plus tendus », la présence accrue des forces de l’ordre ayant chassé les « petits trafics et nuisances », laissant le terrain « aux plus durs », reconnaît-on à la préfecture.
Autre « limite » des ZSP: « l’engorgement réel » du tribunal de grande instance de Bobigny, qui « à effectifs constants », fait face à une hausse des procédures et notamment des comparutions immédiates, selon la procureure.
Références
Contexte territorial: la Seine-Saint-Denis (93) est l'un des départements les plus riches (1,8 milliards d’euros hors trésorerie) de France, qui dispose de potentialités foncières et de pôles économiques (La Plaine Saint-Denis, Roissy, Le Bourget) dynamiques profitant cependant davantage à la capitale française qu’à la population locale, ouvrière et peu diplômée.
Du même coup, le département éclate les records en matière de concentration des difficultés : 65% de son budget est consacré à l’action sociale, à destination d'habitants pauvres et précaires, fortement confrontés au chômage et à l'échec scolaire.
Pose aussi problème: l'enclavement de certaines communes, la saturation des transports en commun, la sous-dotation en services publics et privés, les problèmes de sécurité, la sur-représentation des familles nombreuses et monoparentales, l'exclusion sociale, mépris et mauvaise réputation, etc...
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