« Avec ce nouvel acte de la décentralisation, vous placez les collectivités en situation de servitude volontaire ». C’est avec ces mots que Pierre-Yves Collombat, le vice-président de l’association des maires ruraux de France (AMRF) a ouvert un discours sévère à l’égard du projet de loi sur la décentralisation. Actuellement au Conseil d’Etat, il doit être présenté au conseil des ministres, le mercredi 10 avril. Devant une ministre déléguée en charge de la décentralisation, Anne-Marie Escoffier, qui n’a pas cillé, l’élu a passé en revue les griefs que l’association portent sur le texte.
Loi du management libéral – Sujet de mécontentement profond : l’esprit de la loi, qui selon les maires ruraux, organise une nouvelle forme de tutelle, notamment des régions sur les communes. « Cette loi n’est pas une petite fille de la Loi Deferre de 1982, mais celle du management libéral. La même philosophie qui préside à la construction de l’Union européenne », a insisté Pierre-Yves Collombat. Pour preuve, la présence répétée du mot « compétitivité » tout au long du texte. « On attendait un texte qui fasse souffler le vent de la démocratie. Il n’en est rien ». En ligne de mire, les conférences territoriales de l’action publique dont les communes rurales sont exclues.
Un sentiment partagé par Jean-Jacques Queyranne, le président de la Région Rhône-Alpes. Celui-ci a redit tout le mal qu’il pensait du texte faisant état d’un projet de loi « qui passe à côté de l’évolution des territoires. Il fallait donner de la respiration, laisser les territoires s’auto-organiser. Au lieu de cela, vous codifiez, vous enfermez les collectivités ».
Sans surprise, les maires ruraux ont signifié leur opposition au projet de PLU intercommunale, arguant que les mairies devaient continuer à maitriser le développement de leur commune, les SCOT étant suffisant pour l’échelle intercommunale. Sur ce sujet, la ministre déléguée à la décentralisation, Marie-Anne Escoffier, sensible à la ruralité, a fait signifié aux élus qu’elle avait bien entendu leur mécontentement.
Contre l’élection au SU des conseilleurs EPCI – Les élus ont aussi fortement rappelé leur opposition à l’élection au suffrage universel des conseillers siégeant dans les EPCI, « le maire risquant de devenir potiche », selon Robert Mériaureau, maire de Brégnier-Cordon (856 habitants, Ain). « On ne cesse de parler de territoire dans ce projet de loi. Or réduire la commune à la notion de territoire, c’est oublier le citoyen et la démocratie », a insisté Denis Durand, Bengy-sur-Craon (Cher, 732 habitants).
Enfin, les maires ont déploré les disparités de moyens entre l’urbain et le rural : selon l’association des maires ruraux, la dotation par habitant dans les communes de moins de 500 habitants est de 64 euros, quand elle est de 128 euros dans les communes de plus de 200 000 habitants….
Face à cette attaque en règle d’un projet de loi qui va droit vers un « fiasco total », la ministre en charge de la décentralisation a tenté de défendre son texte qu’elle a qualifié, à l’inverse, de « cohérent, clair et confiant », laissant pour le moins les maires ruraux dubitatifs. « Elle connaît bien le monde rural. Elle a écouté, notamment à propos du PLU intercommunal. Nous verrons », soulignait-on au sein de l’association après la venue de la ministre.