La conférence des présidents a vu large. Selon l’ordre du jour prévisionnel de l’Assemblée nationale, l’examen, en séance, du projet de loi « Valls » se déroulera du lundi 18 février au mardi 26 février. Le texte, il faut dire, est lourd de conséquences pour les départements, les communes et leurs groupements.
Des tickets hommes-femmes – La commission des lois a approuvé, le 6 février, le scrutin binominal mixte paritaire pour les élections départementales de 2015. Cette formule a été popularisée par l’équipe dirigeante de l’Assemblée des départements de France (ADF). Elle répond aux critères de proximité et de parité affirmés par François Hollande devant les états généraux de la démocratie territoriale du Sénat, le 5 octobre 2012.
Unique au monde, cette architecture a suscité les sarcasmes des députés de l’opposition, lors de son examen en commission des lois. « Le syncrétisme proposé me laisse perplexe malgré sa virtuosité », a ironisé Michel Piron, député (UMP) et conseiller général du Maine-et-Loire. « Comment appliquer la règle binominale sur le terrain ? Envisagez-vous, à terme, la création de sections ? Il faut imaginer qu’un maire s’adressera à deux élus binominaux qui ne seront pas forcément d’accord entre eux. Vous parliez de système hybride à propos des conseillers territoriaux ; en l’occurrence, vous allez plutôt créer une usine à gaz », a fustigé François Sauvadet député (UDI) et président du conseil général de la Côte d’Or.
Deux fois moins de cantons – Cette révolution copernicienne nécessite, aux yeux du gouvernement, de diviser par deux le nombre de cantons. Une opération à laquelle la commission des lois a apporté quelques aménagements. Le nombre de cantons, dans chaque département, devient impair, de manière à favoriser l’émergence de majorités claires.
Si le canevas de la commission des lois était validé par le Parlement, le nombre de circonscriptions électorales départementales serait ramené de 3 971 à 2 064 et le nombre de conseillers départementaux porté à 4 128. « Ce n’est pas un tripatouillage ; c’est une véritable boucherie ! », s’insurge Pierre Morel-A-L’Huissier, député (UMP) et conseiller général de la Lozère.
Quid des territoires ruraux ? – Le texte discuté en séance à partir du 18 février restaure le principe initial contenu dans le projet de loi lors de sa présentation en conseil des ministres : la population d’un canton ne pourra pas s’écarter de la moyenne départementale de plus de 20 %. Une règle inspirée de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en faveur de l’égalité devant le suffrage. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, a expliqué, lors de son audition le 30 janvier 2012, que ce dispositif avant été aussi inséré « sur la recommandation du Conseil d’Etat »
Le mécanisme, assurément, favorise la représentation des populations. Mais quid, de celle des territoires ruraux, si intimement liée à la vocation du département, collectivité de soutien aux petites communes par excellence ? En commission, les attaques des députés de l’opposition ont porté sur ce flanc-là.
Renouvellement intégral des conseillers départementaux – « 90 % des cantons actuels ne satisfont pas à la règle des plus ou moins 20 %. Plus de 2 000 cantons verront par ailleurs leur poids démographique doubler » a relevé Olivier Marleix, député et conseiller général (UMP) de l’Eure-et-Loir. Et le fils de l’ancien secrétaire d’Etat à l’Intérieur et aux Collectivités territoriales de citer l’exemple de la huitième circonscription législative de Haute-Garonne : « Il ne restera qu’un seul canton, contre quatorze aujourd’hui. »
Lors de son audition, le 30 janvier devant la commission des lois, Manuel Valls a donné des gages d’ouverture: « Je ne m’opposerai pas à ce qu’on desserre l’étau du critère démographique et qu’on en introduise d’autres comme la superficie (…). Nous sommes en dialogue constant avec le Conseil d’Etat : il faudra travailler sur ce point. »
Par ailleurs, deux mesures font consensus : la transformation du conseil général en conseil départemental et le renouvellement intégral des conseillers départementaux, là où, jusqu’ici, cela ne se fonctionnait que par moitié.
Municipales : scrutin de liste à partir de 500 habitants – L’Assemblée des communautés de France (ADCF) et l’Association des maires ruraux de France (AMRF) militaient pour la généralisation du scrutin de liste aux municipales, l’Association des maires de France pour un abaissement de 3 500 à 1 000 habitants. La commission des lois de l’Assemblée nationale a « coupé la poire en deux » : ce sera pour l’heure 500. Si le seuil de 1 000 habitants avait été retenu, 74 % des communes et 15 % de la population française auraient été exclues du scrutin de liste. Grâce à l’abaissement à 500, « 32 000 femmes supplémentaires » pourront mécaniquement intégrer les conseils municipaux, relève l’ADCF dans sa lettre interne. Le gouvernement, sur ce chapitre, s’en remet à la sagesse du Parlement.
Si le seuil de 500 était validé, il abaisserait aussi d’autant la barre pour le fléchage des délégués intercommunaux aux élections municipales prévue par la réforme territoriale de 2010. L’ADCF souhaitait, dans ce cadre, « une présentation dans des ordres de classement différents pour l’élection municipale l’élection communautaire ». Elle n’a pas (encore ?) obtenu gain de cause.
Afin de favoriser la constitution de listes, les députés de la commission des lois ont, par ailleurs, décidé de réduire de « deux unités les effectifs des conseils municipaux des communes de moins de 3 500 habitants ». Une mesure qui réduit légèrement le poids des communes rurales dans le corps électoral du Sénat. D’où, là encore des accusations de « tripatouillages », qui devraient redoubler lors de l’examen du texte en séance.