Dans un jugement du 31 janvier 2013, le tribunal administratif de Poitiers a donné raison au conseil général de la Vienne qui a fixé, par une délibération du 18 décembre 2009, des conditions limitatives de réutilisation par des tiers des archives publiques conservées par les archives départementales.
Cette délibération prévoyait en effet que la cession des fichiers numériques appartenant au département et constitués par le service des archives départementales à partir de certains fonds d’archives publiques ne serait autorisée que lorsqu’elle serait nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public et serait alors gratuite et effectuée dans le cadre d’une convention précisant les limites de la réutilisation.
La société Notrefamille.com a saisi le tribunal administratif d’une demande en annulation de cette délibération, qui a été rejetée par la juridiction.
Un producteur de base de données – Le tribunal estime en effet que la collectivité, en l’espèce, peut être considérée comme un producteur de base de données, dans la mesure où elle a créé un ensemble de fichiers numériques permettant le stockage permanent d’archives ainsi que l’accès à celles-ci par l’intermédiaire du site internet des archives départementales, particulièrement en ce qui concerne les registres d’état civil et les registres paroissiaux des communes du département de la fin du 17° siècle jusqu’au 19° siècle, qui présentent le caractère d’une base de données. L’article L.342- 1 du code de la propriété intellectuelle permet donc à la collectivité d’interdire l’extraction ou la réutilisation des données contenues dans cette base. De plus, en tant que producteur de base de données, elle n’est pas obligée d’accorder une licence d’exploitation.
Dans une affaire similaire, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, par un jugement du 13 juillet 2011, avait cette fois donné droit à la requête de la même société qui souhaitait utiliser les données issues des cahiers de recensement des années 1831 à 1931 du conseil général du Cantal.
Le tribunal s’était cette fois fondé sur le fait que les archives litigieuses, qui remontent à plus de soixante-quinze ans sont libres de droits de tiers, et donc communicables de plein droit.
La sécurité des données – Mais, en appel, la Cour administrative de Lyon avait annulé la décision du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en estimant qu’il appartient « toutefois à l’autorité compétente, saisie d’une demande de réutilisation de ces documents, de s’assurer que cette réutilisation satisfait aux exigences de la loi qui, s’agissant d’informations publiques comportant des données à caractère personnel, renvoient aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ».
En l’occurrence, Notrefamille.com prévoyait d’effectuer le traitement des données à Madagascar, pays figurant sur la liste des Etats vers lesquels on ne peut transférer des données sans autorisation de la Commission nationale informatique et liberté (CNIL), que ne possédait pas l’entreprise de généaologie.
Les juges de Poitiers introduisent donc une innovation en invoquant le droit des bases de données, quand la Cour administrative d’appel de Lyon, désignée comme pilote sur ce sujet, se réfère à la protection des données. La position des juges poitevin sera-t-elle confirmée s’il devait y avoir appel ?
Face aux nombreux contentieux en cours, et dans un contexte où, d’une part, le gouvernement affirme vouloir développer la réutilisation des données publiques, mais d’autre part, des voix s’élèvent pour alerter sur les risques, des éclaircissements législatifs semblent plus que nécessaires, alors que les enjeux économiques qui sous-tendent cette mise à disposition des données publiques sont d’importance, y compris et surtout, pour les collectivités locales.
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