La réflexion sur la déontologie à laquelle ont participé les organisations syndicales de fonctionnaires en présence de Jean-François Verdier, directeur général de l’administration et de la fonction publique, ne part pas de rien.
Elle s’inscrit dans la continuité du rapport « Pour un renouveau démocratique » remis en novembre 2012 au président de la République par la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, ou « commission Jospin » – du nom de l’ancien Premier ministre qui la préside.
Ses 35 propositions visent surtout la prévention des conflits d’intérêts chez les parlementaires, membres du gouvernement et hauts fonctionnaires de l’Etat.
Avant le rapport Jospin, la commission Sauvé – Auparavant, la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée par Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’Etat, a formulé 29 propositions.
Son rapport « Pour une nouvelle déontologie de la vie publique », remis en janvier 2011, prend davantage en compte les fonctionnaires et les trois fonctions publiques.
La prévention plutôt que la répression – Sur ces bases, le gouvernement propose aux organisations syndicales de développer de nouvelles formes de prévention des conflits d’intérêt, notamment pour rééquilibrer la logique répressive actuellement en vigueur.
Il entend diffuser une nouvelle culture déontologique auprès des acteurs de la vie publique. Il compte aussi lever la suspicion des citoyens envers les institutions et les agents publics et mieux distinguer fonction publique et fonctions politiques.
Des droits pour protéger les agents – Lors du premier échange, mardi 29 janvier, les délégations syndicales présentes ont demandé la création de droits pour les agents en contrepartie de nouvelles obligations qui leur seraient faites.
« Cela fait longtemps que nous disons qu’il faut compléter les textes pour les préciser. Mais il ne faudrait pas que cela apporte de nouvelles sanctions. Il faut trouver un équilibre, en faisant en sorte que les droits des agents soient améliorés », estime Sylvie Guinand, secrétaire nationale de la Fédération CGT des services publics, à l’issue de cette réunion.
Pourquoi le cumul d’emplois – La possibilité de cumul d’emplois entre les secteurs public et privé a conduit les participants à s’interroger sur les raisons de ces cumuls (temps incomplets, faibles rémunérations…) qui obligent, dans la territoriale notamment, des agents de catégorie C à assurer plusieurs temps partiels ou à se transformer en autoentrepreneur.
« Au-delà du conflit d’intérêts, le cumul d’emploi avec le privé pose la question du besoin des agents de parvenir à une rémunération correcte. Au lieu d’aménager les possibilités de cumul, nous sommes plutôt favorables à des temps complets pour les agents. Les textes prévoient déjà la mise en disponibilité pour aller vers d’autres fonctions sans conflit d’intérêt », remarque Sylvie Guinand.
« Peut-on interdire à un fonctionnaire à temps partiel, qui perçoit la moitié du Smic, d’exercer une autre activité ? », s’interroge de son côté Ange Helmrich, secrétaire national Unsa-Territoriaux.
Former aux valeurs – Dans l’ensemble favorables à une augmentation des compétences de la commission de déontologie de la fonction publique pour lui donner des moyens de prévention et éventuellement de sanctions, et demandant (FO notamment) à y être associées, les organisations syndicales se sont prononcées pour une meilleure information des agents sur les règles déontologiques.
« Le droit à la formation s’est réduit. L’ignorance peut résulter d’un manque de formation. Il faut renforcer cette dernière, notamment celle des non titulaires. Ce sera un moyen de prévention ! » assure Sylvie Guinand, favorable à la consolidation des fondamentaux sur les valeurs.
A celles de probité, d’impartialité, de neutralité listées par la DGAFP, la proposition d’ajouter la laïcité n’a pas été tranchée pour l’instant.
« On ne peut qu’être favorable aux valeurs de probité, neutralité, impartialité. Mais dans nos collectivités, nous sommes confrontés au devoir d’obéissance et à des ordres contraires aux devoirs d’impartialité et de neutralité. Et l’application de l’article 40 du Code pénal crée de vrais problèmes aux agents. Il ne suffit donc pas de dire que ces valeurs doivent être respectées, il faut voir comment elles peuvent l’être », complète le secrétaire national de l’Unsa Territoriaux.
Réserves sur le devoir de réserve – Sujet délicat du point de vue des agents, le devoir de réserve a fait l’objet d’interrogations fournies. A ce jour, il n’est pas explicitement mentionné dans le statut. Seule l’obligation de discrétion l’est.
Réticents à l’inscrire dans un texte futur, les OS craignent que sa formalisation ne musèle les fonctionnaires, au détriment de leur liberté d’expression.
« Il est très difficile d’encadrer juridiquement cette notion. Le devoir de réserve, dans la territoriale, on en use et on en abuse, en particulier avant et pendant les élections. En fonction du camp choisi, on l’utilise pour placardiser ou faire taire des agents. On a des réserves sur ce devoir de réserve ! » déclare Ange Helmrich.
Des chartes difficiles à contrôler – Pour contourner ces obstacles, plusieurs organisations syndicales ont demandé la création d’un droit qui protégerait les lanceurs d’alerte, une demande qui n’a pas semblé retenir l’attention de l’administration.
Lors de cette première demi-journée de réflexion sur les valeurs, l’idée de mettre en place des chartes de déontologie n’a pas non plus fait l’unanimité des représentants syndicaux qui préfèrent des textes législatifs opposables, avec des voies de recours.
7 pistes de travail préliminaires
7 pistes de travail préliminaires à un projet de loi fonction publique ont été proposées aux représentants des agents et des employeurs à la réunion sur les valeurs de la fonction publique et la déontologie des agents publics, le 29 janvier, au ministère de la Réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique :
- L’affirmation des valeurs de probité, d’impartialité et de neutralité.
- La reconnaissance de l’obligation de réserve contre les atteintes à la dignité des fonctions ou à la réputation des institutions.
- La définition de la notion de conflit d’intérêts.
- L’obligation d’une déclaration d’intérêts et d’un mandat de gestion pour les collaborateurs du président de la République et les membres de cabinets ministériels.
- Le renforcement du rôle de la commission de déontologie.
- L’interdiction de la prise et de la détention d’intérêts de nature à compromettre l’indépendance du fonctionnaire et du service public.
- Le cumul d’emplois publics et le cumul d’un emploi public avec la création et la gestion d’une entreprise privée.