Le Débat national sur la transition énergétique (DNTE) est né d’un discours de François Hollande, en ouverture de la Conférence environnementale, devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE), le 14 septembre 2012, à Paris.
Entouré de 14 ministres, le chef de l’Etat décrète alors l’avènement d’une nouvelle ère visant à « faire de la France la nation de l’excellence environnementale ». Et annonce le lancement d’un grand débat qui devait aboutir à une loi de programmation sur la transition énergétique d’ici la fin du premier semestre 2013. Depuis, le calendrier a pris du retard et la loi de programmation ne devrait être présentée au Parlement qu’à compter d’octobre 2014.
Son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, expose le lendemain les grandes lignes de cette transition. Le chemin est montré, il s’agit maintenant de le baliser.
Et c’est là que les difficultés commencent.
Mission impossible ? – D’entrée de jeu, la constitution d’un comité de pilotage formé de « sages » suscite polémique et blocages. Car la désignation de deux personnalités pro-nucléaires, les anciens dirigeants d’Areva Anne Lauvergeon et du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) Pascal Colombani, ainsi que la volonté de la ministre de l’Energie Delphine Batho de présider le DNTE, agacent les ONG.
Et entraînent, le 12 novembre, le boycott de Greenpeace.
La composition du conseil national du DNTE – 112 membres représentant le monde de l’entreprise, les syndicats, des associations environnementales et de consommateurs, les élus locaux et nationaux, l’Etat –, celle d’un comité d’experts – à l’origine des scientifiques, mais dont le profil a été élargi au fil du temps – ou encore celle d’un collège de citoyens – aux contours encore flous – sont autant d’autres casse-têtes qui retardent le processus.
Au point d’amener la ministre Delphine Batho, le 25 novembre, dans une interview au Parisien, à raconter que, quand Jean-Marc Ayrault lui a proposé d’organiser ce DNTE, elle a « entendu dans un coin de (sa) tête le générique de ‘’Mission impossible’’ » !
Quelques régions en pointe… – Chargées par l’Etat d’organiser le débat dans les territoires, seule une minorité de régions – moins d’un quart – ont à ce jour répondu présent.
Première d’entre elles, Pays de la Loire, le fief du chef du gouvernement, a voulu montrer l’exemple : en lançant dès le 1er octobre des Etats régionaux de l’énergie, à Nantes (Loire-Atlantique), et en ayant déjà tenu quatre de ses cinq débats départementaux.
Provence-Alpes Côte d’Azur a organisé le 30 novembre sa première conférence régionale et annonce des débats dans les départements ainsi que d’autres initiatives, notamment avec les jeunes publics.
Rhône-Alpes a aussi accueilli sa conférence régionale de lancement, le 10 décembre, et se déclare, sur un site Internet dédié, « prête pour les débats » – mais aucun n’est encore planifié.
Et l’Ile-de-France enclenche le processus vendredi 18 janvier à Paris avec une première conférence régionale, qui sera suivie de débats dans les huit départements franciliens et d’autres manifestations à qui la région accordera son label.
… mais la plupart en stand-by – A contrario, la majorité des régions – plus des trois quarts – n’ont toujours pas programmé de déclinaison locale du DNTE.
Interrogés, la plupart des cabinets des présidences assurent avoir l’intention de tenir des conférences régionales ainsi que des débats dans les départements, tel que le prévoit la feuille de route gouvernementale.
Mais aucune date n’est arrêtée, avoue-t-on en Basse-Normandie, Bourgogne, Franche-Comté, Midi-Pyrénées, dans le Centre ou encore en Aquitaine, dirigée par le président de l’Association des régions de France (ARF), Alain Rousset.
Le Nord-Pas de Calais explique, lui, « ne rien prévoir de particulier dans le cadre du débat national » car la région mène depuis 2010 une réflexion de fond avec des Assises de la transition écologique et sociale régionale (ATESR) ».
Languedoc-Roussillon dit s’interroger sur l’utilité d’organiser « des débats formels sur le sujet après avoir mené à l’automne une consultation publique » sur des problématiques similaires.
En Haute-Normandie, on précise attendre « des instructions du gouvernement ». Et en Auvergne, conseil régional et préfecture de région se renvoient la balle.
Une logique « montante » – Soucieuses d’unir leurs forces – face à l’Etat ? –, les collectivités territoriales ont obtenu du gouvernement la création d’un comité de liaison du débat décentralisé, qui s’est réuni pour la première fois mercredi 16 janvier, à Paris.
Composé de membres de l’ARF, l’Association des maires de France (AMF), l’Assemblée des départements (ADF), l’Assemblée des communautés de France (AdCF) ou encore l’Association des maires de grandes villes (AMGVF), ce comité entend défendre « une logique ‘‘montante’’, au contraire des précédents débats sur l’énergie (qui) ont toujours privilégié une approche globale et nationale », comme le demande l’ARF dans une note adressée en octobre à la ministre de l’Energie.
Et valoriser ainsi la part locale dans le débat national. Seulement, la matière manque jusqu’ici.
Esprit jacobin – Alors, les régions ne joueraient-elles pas le jeu ? Plusieurs d’entre elles plaident au contraire leur « antériorité en matière de politique énergétique ».
Et puis, « la feuille de route pour la transition écologique (dont le DNTE est l’un des chantiers) est un bel exemple de technocratie parisienne, on croit rêver quand on lit ça, c’est surréaliste, ironise le directeur général adjoint d’un conseil régional. Des fonctionnaires parisiens ont essayé de traduire une commande politique en lui donnant une coloration territoriale. Et on explique ensuite aux régions que c’est à elles de se débrouiller, sans moyens. L’esprit jacobin est une culture de gauche comme de droite, en voilà une preuve supplémentaire. »
A l’inverse, un haut fonctionnaire – parisien – jadis fortement impliqué dans le Grenelle de l’environnement et pourtant peu suspect de sympathie envers l’actuelle majorité, justifie le retard pris en soulignant que « jamais on n’a tenté d’aller aussi loin dans le débat ».
Comme pour accorder de larges circonstances atténuantes à un DNTE souvent qualifié, y compris parmi ses partisans, d’« usine à gaz », avec sa multitude de structures et un calendrier fluctuant.
Mode d’emploi
Le Débat national sur la transition énergétique (DNTE) a pour objectif d’apporter la contribution d’acteurs de tous horizons à une loi de programmation sur la transition énergétique qui sera présentée au Parlement à l’automne 2014. Les débats organisés au niveau national et local doivent aborder quatre thématiques :
- l’efficacité énergétique et la sobriété ;
- le mix énergétique en 2025 et au-delà, aux horizons 2030 et 2050, dans le respect des engagements climatiques de la France ;
- les choix en matière d’énergies renouvelables et de nouvelles technologies de l’énergie et la stratégie de développement industriel et territorial ;
- le coût et le financement de la transition énergétique.
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Transition énergétique : coulisses et termes du débat
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