Le président de la Commission consultative d’évaluation des normes, président (DVD) du conseil général de l’Orne et le maire (PS) du Mans, s’étaient vus confier le 19 décembre 2012 cette mission, désormais inscrite dans le cadre de la modernisation de l’action publique (MAP).
Cette fois-ci sera-telle la bonne ?
Tableau de chasse – Des objectifs quantifiés, un calendrier et une méthode ont été précisés le 17 janvier, en présence de Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’Etat et Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la Décentralisation.
Ainsi, une liste de normes appelées à être abrogées devrait être proposée le 15 mars 2013.
Michel Destot, lors des vœux de l’association des maires des grandes villes le 16 janvier, avait indiqué attendre avec impatience la présentation de ce premier « tableau de » chasse ».
Jean-Claude Boulard, filant la métaphore de l’ouverture de la chasse, a ainsi souhaité que les associations d’élus, les fédérations d’élus, mais aussi chaque élu constatant l’inapplicabilité ou la disproportion manifeste entre le respect d’une norme et les contraintes que celles-ci entraînent au plan local, jouent le rôle essentiel de « rabatteurs ».
Les entreprises seront aussi associées à cette démarche.
Les élus sont invité à faire leurs suggestions et récriminations sur un site dédié (missionnormes.fr) et à partir desquelles notamment le « programme pluriannuel de simplification des normes » serait élaboré.
Jean-Claude Boulard se défend de militantisme anti norme : la norme est indispensable. « Ce que nous voulons débusquer, c’est la norme inutile et obsolète ». Tout en s’attendant à ce que « derrière chaque norme se trouve un lobby. »
Caducité – Mais quels seront les critères de ce tableau de chasse ? Lors d’un entretien accordé à la Gazette le 4 décembre dernier Alain Lambert avait envisagé comme piste la mise en ligne sur le site du Premier ministre, avant une date butoir, de toutes les circulaires.
Celles qui ne seraient pas ainsi « avalisées » seraient alors réputées caduques et abrogées.
« Des milliers de circulaires seraient oubliées par les administrations et disparaitraient ainsi du stock », avait alors conclu Alain Lambert.
Pas si simple : un décret « Fillon »(1) du 8 décembre 2008 prévoyait déjà un tel mécanisme, sans succès patent, au sujet des circulaires et instructions : à défaut d’être mises en ligne sur le site du « circulaires.gouv.fr », elles n’étaient ni applicables, ni opposables à l’égard des administrés.
Ce qui n’a pas empêché l’inflation législative et réglementaire de devenir la bête noire et la cause de tous les maux des collectivités territoriales(2).
Alain Lambert a aussi évoqué une piste constitutionnelle : de nombreuses normes ne sont pas à leur juste niveau dans la pyramide des normes. Il faudrait envisager de saisir le Conseil constitutionnel pour qu’il procède à leur déclassement, c’est-à-dire notamment faire sortir du domaine de la loi celles qui relèvent du domaine réglementaire.
Et déclasser les décrets en arrêtés ou circulaires, selon leur nature véritable.
Enchevêtrement – La lutte contre l’inflation normative est devenue une obsession, et notamment avec les annonces présidentielles lors du dernier Congrès des maires, un objectif prioritaire du gouvernement.
Avec pour paradoxe de générer lui-même une production législative peu harmonisée.
Après les multiples moratoires décrétés, les rapports parlementaires extrêmement critiques, certaines dispositions pourraient être insérées dans le projet de loi de décentralisation tendant à renforcer les pouvoirs de la CCEN. André Laignel, co-président de l’AMF a pris une position assez forte, en souhaitant que le projet de loi dote la CCEN d’un droit de véto. D’ores et déjà, la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales de Eric Doligé a été adoptée en première lecture au Sénat le 12 décembre 2012.
Parallèlement, une proposition de loi portant création d’une Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales, portée par Jacqueline Gourault et M. Jean-Pierre Sueur et déposée au Sénat le 12 novembre 2012 sera, quant à elle, discutée à partir du 28 janvier 2013.
Stock et flux – Marylise Lebranchu a expliqué que ce regain d’activité s’explique parce que cette « incontinence normative », selon l’expression très médiatisée de Jean-Claude Boulard, est une préoccupation partagée autant par les parlementaires que par le gouvernement.
Avec une certaine cohérence affichée : « La mission Lambert-Boulard s’attaque à la question du stock ; la proposition de loi Gourault et Sueur vise à gérer le flux. »
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Notes
Note 01 Décret n° 2008_1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires ( JO 10 janvier 2008). Retour au texte
Note 02 Lire notre dossier : « Dire la vérité sur les normes », La Gazette 12 novembre 2012, pp. 23-28. Retour au texte