Les enjeux de territoires et de personnels irriguaient, lundi 14 janvier, les débats de la nouvelle Université permanente des élus locaux de Saône-et-Loire(1).
Elle donne rendez-vous deux à quatre fois par mois aux élus et aux territoriaux pour se former. Pour « ne laisser aucun territoire sur le bord du chemin », selon la formule de Geoffroy Adamczyk, conseiller technique à l’Association des maires de France (AMF) qui animait la matinée, deux exemples de mutualisation réussie, ceux de Creusot-Montceau communauté urbaine (CMCU) et de la Communauté de communes entre Somme et Loire – née récemment de la fusion des communautés d’Issy l’Évêque et de Bourbon-Lancy – tendaient à prouver que l’impact sur les personnels peut être limité, voire bénéfique.
Territoire sur le bord du chemin ? – La première, la CMCU, qui a adopté « une nouvelle forme de management territorial » comme le soulignait son vice-président, Michel Bertheau, a choisi la territorialisation pour favoriser la proximité, en se dotant d’un chef de file et d’interlocuteurs uniques (secrétaires de mairie ou techniciens) par territoires cibles.
La seconde, entre Somme et Loire, a profité de la fusion pour sécuriser des emplois précaires en les faisant passer à temps complet.
D’autres élus et secrétaires de mairie, interrogés en vidéo insistaient sur la polyvalence requise des agents, les besoins de formation et d’harmonisation des compétences, la nécessité d’un soutien qui pourrait venir de l’intercommunalité ou du centre de gestion, au plan technique en particulier, avec le désengagement, criant en milieu rural, des services de l’Etat.
Mutualisation et économies – « C’est parce que nous avons mis en place des mutualisations que nous avons pu travailler sur la déprécarisation des agents. Des temps partiels sont devenus des temps pleins. La mutualisation donne aussi aux agents la possibilité d’orienter leur parcours professionnels en fonction des différents métiers », complétait Christophe Sirugue, président du Grand Chalon et député-maire de Chalon-sur-Saône qui insistait sur la nécessité d’un projet communautaire pour ces mariages, sources quand ils sont réussis, d’efficacité et d’économies.
Au Grand Chalon, 600 000 euros ont ainsi été « gagnés » au titre des moyens généraux, après une mutualisation qui a fait passer ce budget de 2 à 1,4 millions d’euros. « Il ne faut pas confondre mutualisations et transferts de compétences. La mutualisation n’est pas un transfert des personnels. Ils sont associés et formés, mais restent des personnels municipaux », a précisé le député-maire et président.
C’est davantage le transfert des habitudes qui peut heurter des agents peu habitués au changement. « Il faut bien expliquer que l’intercommunalité procède des communes. Il s’agit d’apporter du mieux, avec les agents. Il faut du temps pour que les esprits s’habituent à ces changements », soulignait une élue du Grand Chalon.
Mutations – Car revers de la médaille, la crainte d’une intercommunalité à deux vitesses qui aiguiserait les disparités entre territoires ruraux et urbains, notamment au plan technique, transparaissait aussi de la salle.
« Comment donner du temps et des moyens techniques à ces mutualisations, et respecter la volonté des élus ? On a parfois forcé la marche, sans laisser de temps à la construction de projets. Pour les personnels, passés de petites équipes à de grands ensembles, avec des postes spécifiques, les mutations subies peuvent être vécues dans la dépression», a insisté l’ancien territorial et maire Jean-Claude Ducarre, président de la communauté de communes de Marcigny, évoquant des collectivités pourtant voisines, fusionnant dans la douleur, avec la démission en masse de maires et conseillers municipaux.
« Etat et collectivités d’un même pas » – Assise au premier rang, aux côtés du préfet de Saône-et-Loire, Anne-Marie Escoffier a écouté les interventions avec intérêt, puis a semblé balayer, sans vraiment les entendre, les peurs générées par le futur projet de loi chez des agents peu familiers du changement, mais qui assurent le quotidien des petites communes.
Assurant qu’elle n’était pas une « ministre hors sol » mais aussi une élue locale – conseillère générale du canton de Rignac en Aveyron, qui mesure sur place la complexité du rôle de maire dans l’application de la loi -, elle a assez vite laissé la parole à la ministre et ancienne haut fonctionnaire, soucieuse avant tout d’efficacité, pour expliquer aux élus le futur projet de loi.
« Avec les évolutions législatives à venir, il faut que nous soyons tous à un niveau d’information pertinente et que nous puissions réagir très vite. Aujourd’hui, le texte n’est pas arrêté. Nous travaillons dans le cadre de la redéfinition de la complémentarité entre les services de l’Etat et les services des collectivités. C’est d’un même pas que nous devons moderniser notre action publique pour proposer sur l’ensemble du territoire un dispositif global cohérent, avec un seul objectif, apporter le meilleur service » a-t-elle déclaré aux élus, dessinant une future réforme en accord avec les trois priorités gouvernementales – croissance, jeunesse et investissements d’avenir, au rang desquels elle compte les investissements humains –, guidée par trois principes, l’unicité de l’Etat « partout et sur tout le territoire », la diversité des territoires et la subsidiarité, « que chacun fasse ce qu’ils sait faire dans le cadre de la proximité, pas seulement géographique », et destinée avant tout au « citoyen qui obtiendrait des réponses efficaces aux questions qu’il se pose ».
« Territorialisation intelligente qui nous relie les uns aux autres » – Critique sur l‘intercommunalité des années 2000, « nous l’avons fait sur de fausses bases, marier les riches avec les pauvres, on n’a pas cherché à construire des communautés de destin et des communautés de desseins ; il faut un tronc commun qui nous permette d’avancer », a ensuite lancé la ministre de la décentralisation, appelant à une territorialisation « intelligente », définie comme étant « notre « inter ligere », ce qui nous relie les uns aux autres ».
«Les élus devront chercher des moyens de dialoguer et de trouver les meilleures solutions ou désigner un chef de file responsable d’un domaine particulier. En cas de difficultés, les questions pourraient remonter au Haut conseil des territoires, nouvelle instance de dialogue où élus et fonctionnaires territoriaux pourront se faire entendre », a-t-elle conclu, indiquant qu’à défaut d’accord, la collectivité n’aurait plus accès à la clause générale de compétence, limitée à la volonté d’entrer dans les futurs « pactes de gouvernance ».
Territoriaux sans correspondance au niveau de l’Etat – Mais quelle conséquence la future réforme aura-t-elle sur l’emploi public, le sujet du jour ? Et comment tiendra-t-elle compte des agents chargés de la mettre en œuvre ?
Anne-Marie Escoffier a promis, lors de cette rencontre, de faire passer les messages entendus à Marylise Lebranchu, sa ministre de tutelle, chargée de la fonction publique.
Mais elle n’a pas caché les limites du projet de loi vis-à-vis des agents concernés par les mutualisations, ou par les rares transferts envisagés.
« Dans la mesure où nous voulons donner sens et cohérence, il ne peut y avoir de mesures au bénéfice des fonctionnaires territoriaux sans correspondance au niveau de l’Etat », a-t-elle expliqué.
Alors qu’elle planche avant tout sur les finances locales, elle a tenu à rassurer les élus, en s’engageant devant eux à ce qu’il n’y ait pas de transferts sans ressources correspondantes et pas d’économies d’échelle à n’importe quel prix.
Aux fonctionnaires territoriaux présents, elle a également assuré qu’elle leur conservait un attachement particulier, de l’époque, en 1984, où, chargée de mission puis chef de bureau à la direction générale des collectivités locales, avant de devenir plus tard inspectrice générale de l’administration puis préfète, elle rédigeait les premiers cadres d’emplois consécutifs au statut.
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Note 01 C'est une initiative du centre de gestion et du conseil général, associés au Centre national de la fonction publique territoriale, à l’Agence technique départementale, au Groupement d’intérêt public e.Bourgogne et au Conseil en architecture, urbanisme et environnement Retour au texte