Toutes les entreprises qui exploitent de l’information publique à des fins commerciales, qui savent « faire parler » et valoriser les données publiques parviennent au même constat : pour développer un modèle économique viable à partir de l’open data, il faut que les données respectent un triptyque indissociable : fraîcheur, qualité documentaire et exhaustivité.
Il suffirait d’ailleurs, pour s’en convaincre, de suivre le débat naissant sur la qualité des données issues de l’open data (1).
Toutefois, seules les administrations dont la diffusion des données fait partie intégrante de la mission (IGN, INSEE, INPI, DILA, Météo-France,…) disposent actuellement des compétences et des budgets pour satisfaire ledit triptyque. La grande majorité des autres administrations qui détiennent ces données publiques enfouies ne sont ni organisées, ni préparées pour les diffuser.
Préparation des données obligatoire mais coûteuse – Dans le même temps, on commence à le vérifier aussi, «c’est surtout le travail de préparation des données qui coûte cher » (2).
Cette phase de préparation est incontournable, ingrate et complexe. C’est précisément celle sur laquelle bute l’administration (3).
Car l’administration française débute timidement la mise à disposition de ses contenus non par mauvaise volonté, mais à cause de ce lourd travail de préparation amont, souvent mal connu ou sous-estimé et, fort logiquement, insuffisamment anticipé.
En voici un aperçu non exhaustif :
- Recensement des données susceptibles d’être mises à disposition ;
- Audit sur l’état documentaire des contenus ;
- Adéquation des formats utilisés pour la production et la diffusion aux besoins de la réutilisation ;
- Etude des fréquences, délais et modalités de mise à jour (temps réel ?) ;
- Rédaction de métadonnées ;
- Eventuelle anonymisation des documents.
Transversalité des équipes – Bien entendu, ces tâches doivent être menées avec le double souci de la préservation de l’intégrité des données et de la pérennité de leur production. Elles réclament, en plus, une vertu encore balbutiante dans l’administration, à savoir la transversalité des équipes.
Réussir la politique open data suppose en effet que, très en amont et autour de la Direction générale, les juristes, la DSI, le service de communication, les documentalistes travaillent ensemble pour définir le cadre juridique et mener à bien les opérations techniques décrites ci-dessus afin de rendre ces contenus réutilisables.
Ce n’est qu’une fois ces audits juridiques et techniques réalisés, que l’administration va pouvoir bâtir sa stratégie de diffusion et déterminer les investissements dont elle a besoin pour la mettre en œuvre et la maintenir, voire l’amplifier, sur le long terme (on n’arrête jamais la diffusion d’une donnée).
Parvenu à ce stade stratégique, il devient capital pour l’administration productrice de savoir si elle va pouvoir – ou non – récupérer, même partiellement, les investissements spécifiques à consentir.
Or, une obligation de gratuité des données publiques va la contraindre à rechercher des financements externes dont l’obtention, en ces périodes difficiles, peut s’avérer problématique et longs. Elle pourra aussi recourir à des arbitrages budgétaires internes qui peuvent s’avérer douloureux…et incertains. On assiste alors à un paradoxe : la gratuité bloque ou ralentit l’administration dans sa politique de rediffusion de ses données.
Une dynamique de diffusion – C’est pourquoi il faut permettre à l’administration de lancer et maintenir une dynamique de diffusion. Pour cela, il faut lui donner de l’autonomie et la laisser libre de proposer un catalogue de données mêlant, selon des critères objectifs tels que les délais de mise à disposition ou de la qualité des données diffusées, gratuité et données payantes.
A ces conditions, elle pourra enfin profiter rapidement des immenses avantages qu’autorise la diffusion de ses données : la rendre plus transparente et plus efficace auprès des administrés, la doter d’une image dynamique et positive et lui permettre de réutiliser ces données pour ses besoins propres à travers des applications qu’elle aura sous-traitées ou qui auront été développées par des réutilisateurs… privés… ou publics.
Ce plaidoyer pour une liberté de tarification des données publiques n’est pas un blanc-seing. D’une part parce que les règles fixées par le décret du 26 mai 2011 (4) définissent ce qui peut entrer ou non dans l’assiette des coûts de mise à disposition.
D’autre part, parce que le Comité d’Orientation de l’Edition Publique et de l’information administrative (COEPIA), qui doit être saisi préalablement à tout projet de tarification, a défini des lignes directrices (5) qui encadrent la créativité tarifaire.
Dans ce débat, encore naissant, de la tarification des données, il n’est pas interdit d’inciter les administrations à être créatives, réceptives aux remontées de leur écosystème de réutilisateurs (déclarés ou non) et d’expérimenter pour évoluer. Rien n’interdit à l’administration de faire payer aujourd’hui les données qu’elle offrira gratuitement demain.
Cet article est en relation avec le dossier
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Voir l’interview de Yann Mareschal, responsable de l'animation et des partenariats sur l'open data pour la ville de Bordeaux, blog open data, Le Monde du 9 octobre 2012 Retour au texte
Note 02 Voir "L'open data, un outil pour la transparence des administrations », Le Monde du 17 novembre 2011 Retour au texte
Note 03 Voir l’enquête sur les projets d’ouverture de données publiques publiée dans l’étude « open data en France, acteurs projets et tendances » publié en novembre 2012 par Serda Lab. Retour au texte
Note 04 Le décret 2011-577 du 26 mai 2011 relatif à la réutilisation des informations publiques détenues par l'Etat et ses établissements publics administratifs Retour au texte
Note 05 Lignes directrices du COEPIA, lettre du deuxième trimestre 2012 Retour au texte