Ce lundi matin 7 janvier, quelques dizaines de policiers municipaux campaient devant la mairie de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Depuis la semaine dernière et la publication d’une enquête du site web d’information Mediapart, ils dénoncent des dérives au sein de leur police municipale. «Nous voulons que la mairie reconnaisse qu’elle a fait des erreurs», martèle celui qui mène le mouvement, Frédéric Foncel, secrétaire général du Syndicat national des policiers municipaux – Force ouvrière (SNPM-FO).
En alertant le parquet sur de possibles dérives à la mi-décembre, le SNPM-FO ainsi que l’ Union syndicale professionnelle des policiers municipaux (USPPM) ont relancé une enquête ouverte depuis mai dernier portant sur des écoutes sur les appels sortants passés depuis leur central par les policiers de la municipalité. Les syndicats font état d’agents qui exerceraient leurs missions sans être agréés ni assermentés, d’enregistrements de conversations téléphoniques sortantes non déclarées à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), et d’utilisation de membres de la police municipale comme chauffeurs pour le compte du maire Patrick Balkany et de son épouse et première adjointe Isabelle.
Règlement de compte ? – Après l’article de Mediapart, Isabelle Balkany a nié les faits en dénonçant un règlement de compte entre le représentant syndical, Frédéric Foncel, et le directeur de la police municipale, Eric Zuber, qui ont travaillé ensemble dans le passé. Reprenant les propos de la première adjointe, Bertrand Percie du Sert, maire adjoint en charge des questions de sécurité, affirme par ailleurs que le SNPM n’est pas majoritaire à Levallois et que toutes les négociations sont menées avec les délégués syndicaux.
De son côté, Nadine Gambier, déléguée syndicale FO, qui se targue de ne pas être affiliée au SNPM, rejoint les propos de l’élu. «Il s’agit d’un règlement de compte. De toute façon depuis que le SNPM s’est affilié à FO l’année dernière, nous n’avons que des soucis. Frédéric Foncel est dans un délire total et il en fait une affaire personnelle contre notre directeur.» Mais pour Frédéric Foncel, les autres syndicats ne représentent pas le personnel.
« Depuis un an et demi, il a été dit que les appels sortants seraient enregistrés ». – Au-delà de cette bataille de syndicats, certains points demeurent troublants. Concernant les écoutes, s’il est possible d’enregistrer des appels entrants, tous les appels sortants doivent être obligatoirement déclarés auprès de la Cnil. Ce qui n’avait pas été fait avant la publication de l’article de Mediapart. Or, selon nos informations, le dossier aurait été reçu à la Cnil le 3 janvier, jour de la publication de l’article.
«Il s’agit là d’un problème technique. Quand les appels entrants ont été enregistrés, les appels sortants l’ont été aussi mais ce n’était pas volontaire», se défend Bertrand Percie du Sert. Et d’ajouter: «Il y a eu un retard administratif à la Cnil. Mais le dossier a été signé il y a 15 jours avec l’accord de la Cnil.»
Pour autant, Nadine Gambier, assure sans hésiter que les agents savaient qu’ils étaient écoutés. «Depuis un an et demi, il a été dit que les appels sortants seraient enregistrés. Mais de toute façon, Cnil ou pas, nous n’avons pas à utiliser des téléphones professionnels pour passer des appels privés», lance-t-elle. «On est en train de vomir aujourd’hui alors que tout se sait. Très longtemps, nous avons eu une cabine téléphonique dans le central, ce n’était pas innocent», insinue-t-elle.
Les chauffeurs seraient des policiers détachés – Quant aux policiers municipaux utilisés comme chauffeurs pour le couple Balkany, «il s’agit de policiers détachés, non armés et qui sont employés comme chauffeurs», explique l’adjoint au maire. «Qu’on nous montre alors l’arrêté municipal de détachement», rétorque Frédéric Foncel.
S’agissant des gendarmes détachés au sein de la police municipale, «ils ont été recrutés en respectant les règles», affirme l’adjoint en charge de la sécurité. «Ils n’ont pas encore d’agrément donc ils n’ont pas eu d’arme.». Selon Nadine Gambier, les cinq gendarmes attendent leur agrément et leur assermentation. Ils doivent également suivre prochainement une formation au sein du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) «Quand on sort, s’il doit y avoir une intervention, ils n’interviennent pas», poursuit-elle. Or selon les documents mis en ligne par Mediapart, l’un d’entre eux est intervenu accompagné d’une policière lors d’une agression.
Problèmes de planning – Au-delà de ces présumées dérives, les policiers combattent aussi un changement de planning. Une manifestation a d’ailleurs eu lieu le 14 décembre dernier. «Nous avons voulu changer les horaires des agents pour répondre à deux objectif. D’abord, celui d’avoir plus d’agents sur le terrain, ensuite il fallait rétablir le travail entre le jour et la nuit car il y avait un très gros déséquilibre. Mais ces plannings là ont été votés dans la plus grande majorité», confie l’adjoint en charge de la sécurité. Avec le nouveau planning, les agents de nuit se retrouvent à travailler plus. «Avant, ils travaillaient 10 à 12 nuits par mois, ils vont passer à 16 ou 18 nuits», rapporte la déléguée syndicale FO.
«Beaucoup de policiers n’acceptent pas ce changement de planning qui leur laisse très peu de temps de repos», relate Frédéric Foncel. «Les policiers qui ont manifesté le 14 décembre ont été démis de leurs fonctions et affectés à d’autres brigades. Aujourd’hui, il y a de très graves pressions au sein de cette police municipale. Certains sont victimes de propos racistes. Ils vivent sous le régime de la terreur.»
Silence de Patrick Balkany – «Nous voulons que la mairie reconnaisse qu’il y a eu des dérives. Et qu’on arrête de dire que je veux la tête du directeur de la police municipale. Ce n’est pas une affaire personnelle puisque j’ai écrit à Patrick Balkany dès le début mais il n’a pas voulu nous recevoir», continue Frédéric Foncel. Ardent défenseur de la police municipale, à l’origine de nombreuses propositions de loi sur l’armement notamment, Patrick Balkany n’a aujourd’hui fait aucune déclaration officielle. Les grévistes assurent qu’ils continueront leurs actions jusqu’à ce qu’ils soient reçus par le maire.
Références
Enquête de Mediapart: "la Justice enquête sur la police des Balkany"
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