L’Agence nationale de la biodiversité, qui devrait voir le jour dans un an, est pour l’instant une grande nébuleuse pour les élus locaux. « Quelles missions, quels moyens, quelle plus-value apportée aux politiques territoriales, quelle articulation avec les acteurs locaux ? »
Daniel Béguin, vice-président de la région Lorraine, a égrené les questions que se posent les collectivités, lors d’une table ronde organisée, le 21 novembre, par la commission du Développement durable de l’Assemblée nationale.
Et ce n’est pas la « mission de préfiguration » de l’agence qui pourrait y apporter des débuts de réponse… puisqu’elle n’est toujours pas en place. Le calendrier annoncé par le gouvernement lors de la Conférence environnementale de mi-septembre la programmait pourtant pour mi-octobre.
De l’opérationnel ou du conseil ? – Les élus expriment des attentes divergentes vis-à-vis de cette agence. Pour Damien Carême, maire (PS) de Grande Synthe (Nord), elle devra se situer « dans le concret, l’opérationnel, sinon, ce sera une perte de temps ».
A l’inverse, le député (PS) de l’Indre Jean-Paul Chanteguet, organisateur du débat, juge qu’« elle ne saurait être dans l’action » : sa mission devra porter sur « la connaissance, la formation, le conseil ».
Corinne Casanova, vice-présidente (centriste) de la communauté d’agglomération du lac du Bourget (Savoie), rappelle que « les structures existantes sont déjà nombreuses (agence des aires marines protégées, atelier technique des espaces naturels, etc.) ».
Selon elle, la future agence « aura du sens si elle apporte une vision transversale, liant la biodiversité aux questions d’eau, d’énergie, de déplacements ».
Cohérence écologique : un schéma 100 % régional ? – Les collectivités sont par ailleurs sceptiques sur le pilotage conjoint des schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE), instaurés par la loi « Grenelle 2 » (art. 121) du 12 juillet 2010, par les régions et l’Etat.
Daniel Béguin, vice-président (EELV) du conseil régional de Lorraine a ainsi « du mal à comprendre que ce schéma soit co-construit par la région et l’Etat, puis que ce dernier donne un avis sur le document dont il a été co-rédacteur ! Nous sommes en mesure d’écrire le SRCE. L’Etat fera ensuite son évaluation. »
Pour Jean-Paul Chanteguet, « le copilotage alourdit la procédure. Cela apporterait de la cohérence que les régions rédigent elles-mêmes le schéma. Ce serait aussi un formidable moyen de responsabiliser les élus régionaux, d’aller vers un rééquilibrage des questions de biodiversité et d’activité économique, dans une réelle approche de développement durable. »
Opposabilité en 2013, écofiscalité en 2014 ? – Le président de la commission « développement durable et aménagement du territoire » de l’Assemblée plaide en outre pour que les « trames vertes et bleues », dont la cartographie figurera dans les SRCE, soient opposables aux documents d’urbanisme et aux schémas d’infrastructure, aujourd’hui simplement tenus de les prendre en compte, aux termes de la loi « Grenelle 1 » du 3 août 2009 (art. 24).
« Cette question se traitera dans le cadre de l’acte 3 de la décentralisation ou de la loi-cadre sur la biodiversité », envisage Jean-Paul Chanteguet.
Enfin, l’élu de l’Indre rejoint son homologue (UMP) de Haute-Savoie, Martial Saddier, défenseur de longue date d’une dotation globale de fonctionnement majorée pour les communes préservant la biodiversité – et donc gelant l’urbanisation, source de recettes fiscales.
Jean-Paul Chanteguet est aussi favorable à une écofiscalité appliquée à l’imperméabilisation des sols. « Si l’on était courageux », cette mesure s’envisagerait dès le budget pour 2014.