A eux trois, ils exploitent 49 réseaux d’initiative publique (RIP) et comptent bien jouer leur partition sur la feuille de route en cours d’élaboration pour le pilotage du Plan National Très Haut Débit. Leur souhait le plus cher : franchir la porte du ministère du redressement productif pour venir défendre leur modèle industriel « made in France » auprès des ministres Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin. « Nous sommes les « sans-papier » de la filière des télécommunications, nous avons des obligations mais pas le droit de participer en tant qu’opérateurs aux grandes décisions qui impactent notre secteur » regrette Eric Jammaron, vice président d’Axione infrastructure.
Leurs arguments sont concrets. Ils ont agi sur des éco-systèmes locaux aux côtés des collectivités délégantes en permettant le dégroupage de l’ADSL et contribué ainsi à la création d’emplois privés et au maintien d’entreprises sur des territoires ruraux. Ils sont prêts maintenant à investir aux côtés des collectivités locales dans les nouveaux réseaux FTTH à condition d’avoir une visibilité à long terme sur les modèles qui seront choisis. « Nous pouvons bénéficier d’aides à l’amorçage des projets et ensuite auto-financer les réseaux en créant une dynamique locale sans coût supplémentaire pour les finances publiques » ajoute-t-il.
Des groupes de travail techniques qui avancent en ordre dispersé- Mais pour parvenir à bâtir un modèle économique autofinancé à long terme dans les zones délaissées par les opérateurs nationaux, l’adoption de choix techniques communs sera déterminante. Ces standards faciliteront l’accueil sur leurs réseaux de tous les types de fournisseurs d’accès internet des plus gros aux plus petits..
Certes, ils devront faire un effort de pédagogie pour expliquer la nécessité de coordonner tous les groupes de travail technique auxquels ils participent déjà. « L’on n’arrête pas de nous dire que nos systèmes d’information, nos catalogues de services et nos réseaux sont disparates. Mais nous ne sommes pas des trublions nous voulons participer à l’industrialisation de notre filière et adopter les standards FTTH qui seront définis. Pour cela nous devons les élaborer avec les opérateurs de services qui seront nos clients » déclare David El Fassy, Président d’Altitude Infrastructure.
Ils participent donc aux côtés d’autres délégataires de RIP et de régies départementales au groupe de travail inter-opérateurs mené sous l’égide de la Fédération Française des télécommunications avec l’appui de l’Arcep. Ou d’autres groupes comme le cercle C.R.E.D.O association des métiers et expertises pour le Très Haut Débit qui vient de publier un guide technique de déploiement de la fibre optique dans les zones peu denses.
Cependant la pierre angulaire de leur modèle économique repose sur la possibilité d’offrir à la fois des offres dites « passives » destinées aux opérateurs qui ont les moyens d’installer leurs propres équipements et des offres dites «activées » qui conditionneront l’accès aux PME, aux start-up innovantes et aux opérateurs de services locaux.
En ligne de mire se joue l’avenir des services d’e-santé et autres usages tant attendus dans les territoires ruraux. Le développement de ces offres est aussi un cheval de bataille de la FNCCR qui y voit un moyen de faire converger des services de communication électroniques avec des services liés à la gestion des énergies sur un réseau neutre et ouvert à la concurrence
Les opérateurs nationaux boudent la standardisation des offres activées – Un travail d’harmonisation de ces offres « activées » est bien mené au travers du Collectif RFC (pour Référentiel Fibre Commun) qui regroupe 25 intervenants privés ou publics issu du monde des RIP. Seulement aucun opérateur national n’a accepté de se joindre à ces travaux.
« Si les RIP ne peuvent pas proposer d’offres activées, France Télécom le fera à ses conditions. L’Etat prendra donc le risque de subventionner fortement les zones peu denses au profit d’un seul opérateur privé qui se retrouvera alors en situation de monopole » explique Joël Mau directeur de mission à l’Institut-Mines Télécom chargé par l’Arcep de piloter ce groupe de travail. Cet ancien directeur de réseau chez France Télécom puis directeur de la régulation du marché du haut débit /très haut débit et des relations avec les collectivités territoriales à l’Arcep a aujourd’hui pris fait et cause pour les RIP. Pour l’heure aucun outil juridique ne permet à l’Arcep d’imposer ces futurs standards aux opérateurs qui ne participent pas à ces travaux. « Nous soutenons et alimentons toutes ces initiatives , précise Jérôme Coutant, membre du collège de l’Arcep. Je n’ai aucun doute que leurs travaux vont être accélérés et parfaitement cadrés sous l’impulsion de la mission Très Haut Débit mise en place par l’Etat». La balle est maintenant dans le camp d’Antoine Darodes de Tailly qui vient de quitter ses fonctions de directeur de la régulation du haut/ très haut débit et des relations avec les collectivités territoriales chez le régulateur pour rejoindre la mission Très Haut Débit mise en place par la ministre déléguée à l’économie numérique au ministère du redressement productif.
La proposition de loi Maurey-Leroy menacée de rejet par l’assemblée nationale
La loi visant à assurer l’aménagement numérique du territoire adoptée au Sénat le 14 février 2012, inscrite à la séance du 22 novembre 2012 de l’Assemblée Nationale a reçu un avis défavorable de la commission développement durable et aménagement du territoire.
Alain Calmette (PS) rapporteur pour avis sur cette loi a argumenté ce rejet par le fait qu’il serait prématuré d’adopter une loi proposée pour contester le Plan National Très Haut Débit sous la forme engagée sous le précédent quinquennat.
L’Etat ayant repris, selon lui, les commandes du pilotage de ce plan cette loi ne correspondrait plus au contexte actuel. « D’ici le printemps 2013, et en l’absence d’arbitrages concernant un certain nombre de points, il serait prématuré et contreproductif de s’engager sur cette PPL. C’est donc dans un esprit responsable et constructif, que je plaide pour le rejet de ce texte » concluait-t-il lors de son intervention en commission le mardi 13 novembre 2012.
Thiery Benoit (UDI) rapporteur de la commission des affaires économiques devrait présenter cette loi amendée par Laure De Laraudière (UMP).
Références