Les transports et l’environnement entretiennent régulièrement des rapports conflictuels. Pour tenter de les résoudre, de nombreux instruments juridiques venant se rattacher parfois au droit des transports, mais plus souvent à celui de l’environnement, ont été mis au point.
« Les obligations liées à la défense de l’environnement se sont ainsi enrichies et multipliées au point que l’on pourrait aujourd’hui se poser la question : « Comment peut‐on encore réaliser un projet d’infrastructure de transport ? », s’est interrogé Roland Peylet, président adjoint de la section des travaux publics du Conseil d’Etat, en introduction de la conférence organisée lundi 12 novembre par le Conseil d’Etat sur la thématique « environnement et droit des transports ».
Par le passé, la protection de l’environnement était quasi inexistante dans les projets de développement des infrastructures de transport, alors que ces dernières impactent inévitablement la nature, les espaces, les milieux. Depuis, le droit de l’environnement s’est considérablement développé, les derniers textes importants étant les lois Grenelle 1 et 2 des 23 juillet 2009 et 12 juillet 2010.
Mais les transports répondent également à des besoins essentiels pour la société, et le droit européen, qui voit en eux la condition première d’exercice de la liberté de circulation, veille à ne pas entraver à l’excès leur développement. D’où la nécessité, ainsi que la difficulté, d’arriver à un équilibre.
Un regard critique sur les lois Grenelle – Se livrant à un exercice comparé au niveau français et européen en matière de droit des transports et de l’environnement, Patrick Thieffry, avocat au barreau de Paris et de New‐York, professeur associé à l’école de droit de la Sorbonne (Paris I), a développé un regard relativement critique des lois Grenelle I et II, jugeant la première « trop programmatique pour que les juristes s’y intéressent », et la deuxième « très technique ».
Il estime en effet qu’elles ont surtout servi à transposer le droit communautaire et « à écluser un retard de transposition de directive ».
En matière de droit européen, c’est pour lui surtout la réglementation du milieu ambiant (directive sur le bruit ambiant, directive sur la qualité de l’air ambiant) qui est la plus porteuse d’approche effective en matière de transport. Tandis qu’en droit français, loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature a joué un rôle très important pour la protection de l’environnement, rendant obligatoire la réalisation d’une étude d’impact pour la réalisation de tout ouvrage conséquent.
La complexité de l’intégration du droit de l’environnement pour RFF – Dans ce contexte, le témoignage de Véronique Wallon, directrice générale adjointe de Réseau ferré de France (RFF) a permis de mesurer la difficulté, pour un maître d’ouvrage, de réaliser de nouveaux projets d’infrastructures. RFF porte actuellement quatre grands projets ferroviaires et rénove chaque année près de 1000 km de lignes.
« Le droit introduit des contraintes qui rendent plus lourds les facteurs de coûts et de délais », a-t-elle déclaré, en soulignant que les lignes ferroviaires, qui sont des infrastructures linéaires, doivent se conformer à une réglementation environnementale dont la logique est territoriale. De cette différence naissent des difficultés pour coordonner les études d’impact sur l’ensemble d’un projet, ou pour s’inscrire dans le respect des trames vertes et bleues, qui sont interprétées différemment d’une région à l’autre.
La tâche de l’opérateur public est également complexe dès lors qu’il lui est demandé d’avoir une « unité fonctionnelle » sur un ensemble de projets, de travaux ou d’ouvrages. C’est le cas pour le projet actuel de contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise, avec ses deux morceaux sud et nord, pour lesquels il est exigé de RFF d’avoir une approche globale, alors que le phasage des travaux et la maîtrise d’ouvrage sont pour lui bien différents.
Enfin, Véronique Wallon a également souligné la complexité de son métier d’opérateur public par rapport aux exigences divergentes de l’Etat. « De nouvelles exigences – relatives, par exemple, aux nuisances sonores – peuvent apparaître de la part de l’Etat lors des étapes préliminaires et des phases d’étude, ce qui peut conduire à un dérapage des délais et des coûts qui est difficile à faire comprendre à nos interlocuteurs, et notamment nos cofinanceurs. D’où des difficultés à appréhender le droit de environnement », a-t-elle conclu.
Références
- Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation, relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, JO du 5 août 2009.
- Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, JO du 13 juillet 2010.
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