Anthony Giunta ne se cache pas longtemps derrière le pseudonyme d’Ethan Parker. Outre le fait qu’il révèle son identité dans le communiqué présentant son essai(1), paru en septembre 2012 chez Gualino (Lextenso Editions), l’essentiel du récit que le DGS de La Courneuve étire sur une centaine de pages se déroule dans une mairie de Seine-Saint-Denis.
Presque plus ulcéré par la démarche d’Aurélie Boullet que par le contenu des deux opus signés par la jeune administratrice du conseil régional d’Aquitaine, sous le pseudo de Zoé Shepard(2), l’auteur de ce premier essai le qualifie de « billet d’humeur ».
Il ouvre son récit juste après le conseil de discipline de juillet 2010, qui a suspendu plusieurs mois l’administratrice trentenaire pour manquement au devoir de réserve, notamment.
Anthony Giunta bascule dans la fiction quelques lignes plus tard, en ajoutant à cette sanction une semaine de « travaux d’intérêt général » dans « une petite commune de Seine-Saint-Denis ».
Simpliste et dangereux – C’est l’occasion pour le DGS de dire tout le mal qu’il pense du premier livre écrit par Aurélie Boullet. Dénoncer la paresse et l’incompétence généralisée parmi les territoriaux en pleine révision générale des politiques publiques (RGPP) est jugé simpliste et dangereux : « La dette et les dépenses publiques seraient donc les principales responsables de notre mauvaise santé économique […] Quand on veut se séparer de son chien, ne dit-on pas qu’il a la rage ? » peut-on lire, notamment, page 46.
Par ailleurs, l’essai ne manque pas de caricaturer quelque peu son « héroïne » : la jeune Zoé est démesurément ambitieuse (p11, p14), dispose d’un immense corpus de savoirs théoriques mais ignore tout du travail des élus d’une collectivité (p16, 41 et 84).
Elle se montre hautaine (p23, 70, 83 et page 69, où Zoé salive devant « un troupeau de fonctionnaires qu’elle pourrait dépecer au premier coup de stylo »), s’avère être colérique (p34 et p43, où le personnage prend la parole sans y être convié puis quitte l’assemblée en claquant la porte à défaut d’avoir rallié les suffrages), avant de se révéler franchement fausse.
Après avoir fait mine de répondre aux attentes du DGS, elle se sert des anecdotes vue dans la collectivité pour nourrir un blog intitulé « Bienvenue chez les ploucs » (p87).
Enfin, cet essai semble aussi pour son auteur l’occasion de rétablir quelques vérités…
- D’abord, les territoriaux ne comptent pas plus de fainéants que dans le privé (p20 et 98).
- Ensuite, la charge de travail de certains cadres est incompatible avec les « 35 h mensuelles » choisies comme sous-titre du premier livre signé Zoé Shepard (p31 et 39).
- Enfin, les collectivités « sont bien gérées et n’ont aucune leçon à recevoir ni d’un Etat en déficit ni d’obscures agences de notation » (p47).
… mais aussi de souligner certains dysfonctionnements, parfois déjà soulevés par Aurélie Boullet :
- On rencontre des incompétents dont on peine à se dépêtrer, comme la première secrétaire, Michèle (p27).
- Des bureaux politiques qui s’éternisent car chacun reste figé sur une posture idéologique (p43).
- Tous les élus « ne sont pas investis dans leur fonction » (p57).
- Des crises internes sont gérées a minima (scène du cadre « placardisé » depuis 17 ans après une lettre anonyme corroborée par un témoignage, p79 à 83).
Véritable débat – L’essai signé Ethan Parker se termine sur un aveu de « Zoé » : elle s’est lancée dans la fonction publique car elle n’assumait pas son désir d’être écrivain (p104 et 107) … bien que l’auteur estime page 47 que « forte de ses prestigieux diplômes, elle trouvera facilement un poste dans une banque d’affaires internationale ».
Anthony Giunta croit cependant utile d’affirmer que la polémique qui a accompagné ces parutions doit contribuer à « un véritable débat sur l’apport et l’engagement des fonctionnaires dans leurs missions ».
Cet article est en relation avec les dossiers
- Déontologie des fonctionnaires : décryptage de la loi de 2016
- Déontologie des fonctionnaires : droits et obligations
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Ethan Parker, « Au boulot Zoé ! Ou le quotidien d'un fonctionnaire engagé », Editions Gualino-Lextenso Editions, 109 pages, 7,50 euros. Retour au texte
Note 02 Zoé Shepard, « Absoluement dé-bor-dée ! Ou le paradoxe du fonctionnaire » puis « Ta carrière est fi-nie ! », Editions Albin Michel, 19 euros. Retour au texte