« Trop de niveaux d’administration territoriale et trop de collectivités locales à chacun, ou à certains, de ces échelons ». Ainsi commençait la conclusion du rapport remis au président de la République, en 2009, par le comité présidé par M. Balladur.
Certes, les timides propositions contenues dans ce document étaient marquées par un souci de pragmatisme et de réalisme ; à tel point qu’on écartait toute suppression d’un ou deux niveaux de collectivités et l’érection des communautés, en collectivités de plein droit.
Mais le lecteur attentif avait bien retenu la leçon contenue dans le titre du rapport : « Il est temps de décider. » Il était même temps « d’agir », serait-on tenté de préciser, pour autant que les contraintes imposées par la crise financière et économique mondiale offraient l’occasion d’aller loin et vite en matière de réforme.
Aujourd’hui, les mêmes défauts persistent, la même hésitation aussi. Beaucoup de cadres territoriaux rechignent à se positionner sur ce sujet, comme si leur qualité de fonctionnaires devait les priver de leur droit à s’exprimer sur une réforme nécessaire et pour l’élaboration de laquelle leurs compétences et leur expérience professionnelles sont évidemment utiles à la satisfaction de l’intérêt général.
Il suffit d’observer la quasi absence de ces techniciens, dans les commissions qui ont été chargées de réfléchir à la question depuis plus de dix ans, pour constater à quel point les cadres territoriaux sont ignorés.
Eux-mêmes désertent les lieux d’échanges et de débats, tels que les principaux colloques consacrés à la décentralisation. Alors, à qui la faute ?
A trop vouloir les former aux « techniques managériales », en négligeant l’histoire des institutions, n’a-t-on pas privé nombre d’entre eux des informations élémentaires qui leur faciliterait une analyse approfondie et critique du système actuel, au-delà des banales questions de gestion ?
A vouloir rivaliser, voire s’opposer aux « énarques », les administrateurs territoriaux, notamment, ne passent-ils pas à côté des véritables enjeux de notre pays ?
Qu’importe qu’ils ne remplissent pas les couloirs et les bureaux des cabinets ministériels s’ils se positionnent comme des forces de proposition et d’action, en vue de l’élaboration des réformes structurelles profondes dont nous avons besoin.
N’est-il pas temps d’imaginer, par exemple, les fonctions d’encadrement de la fonction publique d’une autre manière ? Foin de l’opposition stérile entre « fonctionnaires de l’Etat » et « fonctionnaires territoriaux », surtout si ces derniers tournent résolument le dos à toute politisation rampante et sournoise.
Quelle attitude étonnante ont certains d’entre eux, en se considérant comme les obligés des élus locaux… au moment où la population dédaigne de plus en plus les élections ?
Ont-ils noté que plus de la moitié des électeurs ne sont pas venus voter au premier tour des élections municipales dans les villes de plus de 10 000 habitants ? N’ont-ils pas analysé cette situation dramatique pour la démocratie et la légitimité des élus ?
Engager la réflexion sur une nouvelle répartition des tâches – Quand on en conclut qu’il faut refonder notre système local, en lui redonnant une légitimité clarifiée par une simplification radicale, il faut, aussi, en tirer les conclusions au plan de la « haute » fonction publique.
N’est-il pas temps, au moins, d’engager la réflexion sur une nouvelle répartition des tâches ?
D’un côté les niveaux européens et nationaux ministériels, de l’autre, l’administration locale des tâches étatiques et locales.
Pourquoi serait-il étonnant, que, dans vingt ans, les cadres supérieurs publics suivants soient issus des mêmes formations et déroulent les mêmes carrières : corps préfectoral, tribunaux et cours administratives, chambres régionales des comptes, collectivités locales ?
Dans la pratique, déjà, les individus qui œuvrent dans ces différentes catégories, collaborent quotidiennement au règlement des mêmes problèmes… Alors ?
Le regret de la perte de références historiques, évoqué en introduction, ne doit surtout pas faire oublier que l’Ancien Régime a échoué à se réformer, alors que dès les années 1770-1785, nos ancêtres savaient fort bien ce qu’il fallait faire.
La volonté politique a manqué alors ; elle est, plus que jamais, le résultat de la pression de tous les citoyens sur les détenteurs du pouvoir.
A chacun d’entre nous d’en avoir conscience et de prendre ses responsabilités.
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