Vous qualifiez « d’exemplaire » et de « transparent » votre projet pourtant controversé de forages pétroliers au large des côtes de la Guyane. Ces mots sonnent étrangement alors que l’ex-ministre de l’Energie Nicole Bricq, avait suspendu les permis faute de garanties environnementales suffisantes, avant d’être désavouée et que vos autorisations soient délivrées…
Ce projet a été unanimement soutenu par les élus guyanais. Et, dans l’histoire de l’outre-mer, c’est la première fois que l’ensemble du monde politique, toutes tendances confondues, soutient un projet privé. Pourquoi cela ? Parce qu’il est exemplaire localement. Cela fait longtemps que je rencontre régulièrement les associations écologistes, les socio-professionnels, le monde de l’éducation, etc. Sur place, on connait bien ce dossier, ses tenants et ses aboutissants. Tandis que dans l’Hexagone, on l’a soudain découvert. C’est donc en réalité un beau projet que les gens se sont appropriés dans la transparence. En étant conscients que toute activité humaine comporte un risque, que le risque zéro n’existe pas en matière industrielle. Mais ils ont estimé que le jeu en valait la chandelle. Nous avons ainsi développé ce projet en concertation, sereinement et tranquillement.
Quels bénéfices la Guyane peut-elle espérer ?
Les retombées seront fiscales et économiques. Si le projet va à son terme, c’est-à-dire jusqu’à la production (1), la loi prévoit que les royalties seront partagées à 50% entre l’Etat et la région Guyane. Cette recette, elle pourra l’utiliser à sa convenance dans ses domaines prioritaires de développement. Le deuxième type de retour est lié à l’activité, qui va générer des emplois directs et indirects – la sous-traitance -, ainsi que des emplois induits. Au total, cela devrait probablement représenter un millier de personnes. Fiscalité, emploi : pour qu’une collectivité accepte ce type de projet, il faut lui assurer un retour …
C’est ce qui a selon vous manqué dans le dossier des gaz de schiste ?
S’il y a un gros appétit actuellement aux Etats-Unis pour développer de la ressource non conventionnelle comme les gaz de schiste (2), c’est parce que le propriétaire du terrain est aussi propriétaire du sous-sol (contrairement à la France, où c’est l’Etat, NDLR), et qu’il a donc un intérêt. Alors qu’une commune française n’a aucun intérêt particulier dans ce type de dossier parce qu’elle n’aura pas de retour significatif sur l’exploitation. Je pense par conséquent qu’il faut donner des incitations financières aux collectivités.
De quel type ?
On pourrait imaginer que, sur chaque mètre cube de gaz extrait de son sol, elle touche quelque chose.
Cela doit-il passer par un changement de propriété du sous-sol, aujourd’hui en France aux mains de l’Etat, selon le code minier ?
Je n’en vois pas la nécessité. La propriété du sous-sol est certes à l’Etat et il en reçoit les dividendes, mais il est aussi libre d’en restituer une partie. Je ne pense donc pas qu’il y ait besoin de rendre propriétaire du sous-sol quelqu’un d’autre que l’Etat. En revanche, il faut réfléchir à la distribution de la valeur générée, entre l’Etat, les collectivités, et puis bien sûr, l’investisseur. Ainsi, la commune concernée par l’implantation d’un puits pourra avoir un retour direct et elle sera alors en mesure de vraiment associer une activité sur son sol à un développement économique. Les élus locaux ont un seul objectif en tête, c’est l’intérêt de leur collectivité. Et nous, notre intérêt, c’est que nos projets soient acceptés par les populations concernées, qu’elles se les approprient, comme les élus guyanais l’ont fait.
Comment votre groupe envisage-t-il l’avenir de l’exploitation de gaz de schiste en France ?
Nous nous sommes intéressés dans le passé à ce dossier et si le contexte réglementaire devait changer, donc l’interdiction être levée, nous pourrions réexaminer la question. Je pense en tout cas que développer cette ressource peut être une chance pour la France, en termes d’indépendance énergétique, de valorisation de son patrimoine, de création d’une industrie nouvelle et de financement disponible pour, pourquoi pas, faciliter la transition énergétique si l’Etat et les régions décident d’investir de l’argent là-dedans.
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Notes
Note 01 Au stade actuel de ses investigations, Shell évalue la production d’un champ à 100 000 barils/jour, soit sept à 8% de la consommation française. Or, le groupe espère pouvoir exploiter d’autres champs. Retour au texte
Note 02 L’exploitation de gaz de schiste outre-Atlantique, à partir de centaines de milliers de forages, pourrait faire des Etats-Unis, à terme, le premier producteur mondial de gaz naturel. Le pays a d’ores et déjà fortement réduit sa dépendance aux importations d’hydrocarbures. Retour au texte