La Commission européenne a ouvert le 4 avril « une enquête approfondie afin de déterminer si les accords financiers conclus entre les pouvoirs publics et l’aéroport de Carcassonne, ainsi que les remises et les accords de commercialisation convenus entre l’aéroport et la compagnie aérienne Ryanair, sont conformes aux règles de l’UE en matière d’aides d’État ». Propriété de la région Languedoc-Roussillon depuis mars 2007, l’aéroport « Carcassonne en Pays Cathare » était exploité jusqu’à la fin avril 2011 par la CCI de Carcassonne Limoux Castelnaudary avant qu’un nouveau concessionnaire, Veolia Transport, ne prenne le relais. Ryanair, seule compagnie présente à Carcassonne, exploite dix liaisons internationales pour un trafic de 367 855 passagers en 2011 (-6,3 % par rapport à 2010).
« Doutes » sur la conformité des subventions – De 2000 à 2010, indique la Commission européenne, la CCI de Carcassonne Limoux Castelnaudary a reçu 11 millions d’euros de subventions « au minimum », accordées par des organismes publics – notamment la région Languedoc-Roussillon, le conseil général de l’Aude et la ville de Carcassonne – pour le financement de divers projets d’infrastructures à l’aéroport. « À ce stade, la Commission doute que ces mesures soient conformes aux lignes directrices de l’UE de 2005 relatives aux aides d’État au secteur de l’aviation. Elle va notamment vérifier si les subventions étaient nécessaires à la réalisation des investissements, si l’aide était proportionnée aux objectifs poursuivis et si les infrastructures offraient des perspectives d’utilisation à moyen terme satisfaisantes. »
La Commission européenne a calculé que la CCI a bénéficié, de 2001 à 2011, de plus de 8 M€ de subventions pour l’exploitation de l’aéroport, ainsi que des avances de trésorerie. « La Commission considère à ce stade que ces mesures couvrent simplement des dépenses professionnelles ordinaires et pourraient dès lors constituer une aide au fonctionnement accordée en violation des règles de l’UE en matière d’aides d’État. »
Nature de l’utilisation des subventions – La Commission relève que Veolia Transport a reçu des subventions publiques liées au nombre de liaisons exploitées et que la région Languedoc-Roussillon s’est engagée à financer des investissements en infrastructures liés à l’activité commerciale, comme des aires de stationnement destinées aux avions commerciaux, « lesquelles infrastructures seront utilisées gratuitement par l’exploitant de l’aéroport. La Commission doute que ces mesures soient conformes aux règles de l’UE en matière d’aides d’État. » Interrogé par La Gazette des communes, un responsable de Veolia à Carcassonne n’a pas souhaité faire de commentaires, se limitant à rappeler que Veolia agit dans le cadre d’une délégation de service public conclue avec la région. En novembre 2011, la région, qui entend développer l’aéroport audois, a signé une convention avec le conseil général de l’Aude et les agglomérations de Carcassonne et Narbonne afin de pouvoir investir 55 millions de 2011 à 2018 sur l’aéroport (28 millions pour la mise aux normes et la modernisation, 27 pour le développement).
La Commission européenne va également examiner si les accords (de commercialisation, remises sur redevances aéroportuaires) entre les exploitants de l’aéroport et Ryanair « auraient été conclus par un investisseur en économie de marché. La Commission craint que de tels accords ne soient susceptibles de conférer à la compagnie aérienne, seul utilisateur commercial de l’aéroport, un avantage économique indu dont ne jouissent pas ses concurrents ».
Les suites de la procédure – « Les autorités françaises auront un mois pour répondre aux questions et doutes de la part de la Commission et des tiers intéressés auront la possibilité de soumettre leurs observations », précise une porte-parole de la Commission à La Gazette des communes. Une fois que la Commission aura recueilli l’information nécessaire, elle se prononcera sur le cas avec une décision finale. « L’ouverture de l’enquête ne préjuge en rien de son issue. S’agissant d’une enquête d’aides d’État, il n’y a pas de sanctions comme dans les enquêtes antitrust. Dans le cas ou les aides s’avéreraient illégales et incompatibles, les autorités devront récupérer les aides versées », ajoute-t-elle.
Enquêtes en cours sur d’autres aéroports – L’aéroport audois n’est pas le seul sur lequel enquête la Commission : « 21 enquêtes courantes concernent des aéroports », précise une porte-parole de la Commission. Depuis le 25 janvier 2012, elle s’intéresse ainsi à des accords passés par Ryanair avec des aéroports allemands et suédois et elle a ouvert une enquête le 8 février sur celui de La Rochelle, propriété de la CCI locale, qui l’exploite. Une autre enquête concerne depuis novembre 2007 l’aéroport Pau Pyrénées, exploité par la CCI de Pau-Béarn et propriété d’un syndicat mixte (regroupant la région Aquitaine, le département des Pyrénées-Atlantiques, la communauté d’agglomération Pau Porte des Pyrénées et 16 communautés de communes) pour des contrats de services et des aides à l’infrastructure aéroportuaire, une enquête qui s’est élargie le 25 janvier. De même, depuis le 13 juillet 2011, la Commission examine le soutien public reçu par l’aéroport de Marseille pour son terminal low cost « mp2 », ainsi que les réductions de redevances accordées aux compagnies aériennes.
Les règles de l’Union Européenne sur les aides d’Etat dans le secteur de l’aviation
« Les investissements réalisés par les pouvoirs publics dans des entreprises qui exercent des activités économiques sont conformes (…) lorsqu’ils remplissent les conditions qu’accepterait un acteur privé opérant aux conditions du marché (principe de l’investisseur en économie de marché ou PIEM). Dans le secteur de l’aviation, les subventions d’investissements en faveur d’infrastructures peuvent, en principe, être jugées compatibles avec les lignes directrices de 2005 relatives aux aides d’État dans le secteur de l’aviation lorsqu’elles sont nécessaires, proportionnées, visent un objectif d’intérêt général, garantissent un accès non discriminatoire à tous les utilisateurs et n’affectent pas indûment les échanges au sein du marché intérieur. Les aides au fonctionnement risquent bien plus de fausser la concurrence entre les aéroports et sont donc, en principe, incompatibles avec le marché intérieur. La Commission prévoit de réviser, en 2012, ses lignes directrices relatives au secteur de l’aviation – couvrant à la fois les compagnies aériennes et le financement des infrastructures aéroportuaires – à la suite d’une consultation publique. »
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