« Le travail doit être davantage récompensé que l’assistanat. » Nicolas Sarkozy a repris à son compte la proposition formulée en septembre 2011 par Marc-Philippe Daubresse, secrétaire général adjoint de l’UMP et ancien ministre des Solidarités actives, d’expérimenter de nouveaux contrats aidés pour les allocataires du revenu de solidarité active (RSA).
Car « le RSA n’est pas suffisant pour réintégrer les gens au travail », estime le chef de l’Etat.
Concrètement, il propose que certains bénéficiaires du RSA socle (donc sans activité), créé en 2009, soient astreints à 7 heures de travail hebdomadaire, sous peine de voir leur allocation réduite progressivement.
Des sanctions qui seraient infligées par les conseils généraux, en charge de la prestation.
Crise de l’emploi – La proposition est loin de faire l’unanimité. Mais à différents degrés. Si le Modem, tout d’abord, rejette le caractère obligatoire de cette mesure, il ne s’oppose pas au travail des bénéficiaires du RSA, qui permettrait, selon Jean-François Martins, directeur de la communication de François Bayrou, « de lutter contre la désocialisation ».
Au Parti socialiste, en revanche, on s’oppose à cette mesure car on considère que le problème ne se situe pas au niveau du RSA, mais du marché du travail, toujours en crise.
Où trouver ces emplois, s’interroge également Jean-François Baillon, vice-président (Europe Ecologie-Les Verts) au conseil général de la Seine-Saint-Denis, chargé de la solidarité et de l’insertion : « Dans mon département, nous avons 75 000 allocataires du RSA. Qui peut nous faire croire qu’il va y avoir 525 000 heures de travail disponibles ? »
La « grande majorité des allocataires souhaitent travailler, confirme Martin Hirsch, le créateur du RSA, mais on ne peut pas leur proposer de travail. » Près des 2/3 d’entre eux sont d’ailleurs à la recherche d’un emploi, selon une enquête de la Dares, publiée en mars 2012.
Surtout, les candidats dénoncent plusieurs effets pervers. François Hollande pointe des effets de substitution, l’insertion des allocataires du RSA se faisant au détriment d’autres demandeurs d’emploi.
« Les postes proposés, qu’il s’agisse de l’accueil du service public ou de la surveillance des sorties d’école, sont actuellement occupés par des personnes bénéficiant de contrats d’une vingtaine d’heures », indiquent les socialistes.
Travail au noir favorisé – En outre, le PS craint des effets d’aubaine. Cette activité permettrait à l’allocataire de gagner 130 euros de plus par mois, en cumulant le RSA avec son salaire (815,79 euros au total pour une personne seule).
Soit un coût horaire de 4,64 euros de l’heure (pour 28 heures de travail mensuel). Bien en deçà du Smic horaire fixé, lui, à 9,22 euros brut. Par conséquent, cette mesure pourrait conduire certains employeurs à privilégier une personne plus faiblement rémunérée.
Avec le risque, selon le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) et EELV, de favoriser le travail au noir. « Avec les frais de déplacement, ou autres frais professionnels, l’allocataire peut voir ses revenus diminuer.
Mieux vaut ne pas être déclaré », indique un porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts. D’autant que selon le Front national, l’instauration de contreparties au RSA serait « impossible à organiser » au cas par cas.
L’extrême droite préférant en effet « réserver cette aide sociale aux seuls Français ». Or, actuellement, toute personne titulaire depuis au moins 5 ans d’un titre de séjour autorisant à travailler peut y prétendre.
Renforcer l’accompagnement – Pour autant, comment améliorer le dispositif ? Deux rapports publiés l’an passé ont mis en garde contre les effets limités du RSA sur l’emploi, notamment en raison du manque d’accompagnement et de formation des bénéficiaires. Il s’agit de celui de la Cour des comptes de juillet 2011 et du rapport final du Comité national d’évaluation du RSA de décembre 2011.
Ainsi, reprenant à son compte le constat des experts, EELV milite pour la mise en place de parcours professionnalisants, débouchant sur une certification ou un diplôme, véritable passeport pour un « emploi durable », selon Jean-François Baillon.
Plus prudent, François Bayrou estime qu’une évaluation de l’expérimentation du contrat unique d’insertion, menée actuellement dans une quinzaine de départements [lire l’encadré ci-dessous], est nécessaire avant de généraliser un tel dispositif.
Quant au Parti socialiste, il vise la création de 150 000 emplois d’avenir dans le secteur non marchand, calqués sur le modèle des emplois-jeunes de 1997.
Une mesure déjà testée dans 16 départements
Proposé par les conseils généraux aux personnes éloignées de l’emploi, le contrat de 7 heures hebdomadaires, voulu par Nicolas Sarkozy, est d’ores et déjà expérimenté dans 16 départements, tous volontaires(1). Il devrait faire l’objet d’une évaluation fin 2012. Il s’agit de contrats uniques d’insertion, renouvelables dans la limite de 2 ans et réservés au secteur non marchand. Comme pour tout contrat aidé, l’employeur doit mettre en place des actions d’accompagnement et désigner un tuteur. Mais il n’est pas tenu d’organiser des actions de formation. Ces contrats sont cofinancés par l’Etat et le département, le premier apportant le financement complémentaire de l’aide à l’employeur fixée à 95 % du Smic brut. Nicolas Sarkozy évalue la généralisation de cette mesure à 500 millions d’euros pour l’Etat. De son côté, l’Institut de l’entreprise, un think tank qui réunit des dirigeants d’entreprises, table sur un montant compris entre 0,8 et 1,5 milliard d’euros.
« Il est temps de rééquilibrer les droits face aux devoirs » selon la Fnars
« Les allocataires du RSA sont des personnes en difficulté : des mères seules avec de jeunes enfants, des individus ayant des problèmes de santé, des chômeurs – notamment en zones de désertification industrielle. Ils sont allocataires du RSA parce qu’ils ne parviennent plus à accéder à l’emploi et non parce qu’ils ne le veulent pas. Ils sont seulement 600 000, aujourd’hui, à toucher le RSA tout en exerçant une activité, alors que le dispositif en prévoyait initialement trois fois plus. Il faut porter l’effort sur l’accompagnement des personnes. L’expérience de nos associations montre qu’une sur deux trouve un emploi ou une formation lorsqu’elle est sérieusement accompagnée, via l’insertion par l’activité économique, par exemple. Or, la réalité c’est que Pôle emploi, qui doit prendre en charge la majorité des personnes bénéficiaires du RSA, n’a pas les moyens de le faire. Très peu de propositions leur sont faites, en matière d’emploi comme de formation. Il est temps de rééquilibrer les droits face aux devoirs. »
Matthieu Angotti, directeur général de la Fnars
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La cohésion de la société n'est plus une priorité
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- Les candidats à la présidentielle contre l’obligation de travailler pour les bénéficiaires du RSA
- La cohésion de la société n’est plus une priorité
- Peu de clivages droite/gauche sur la lutte contre les déserts médicaux
- Le financement de la dépendance refait surface dans la campagne
- La gauche au chevet de la petite enfance
- Politique de la ville : la banlieue cantonnée à la périphérie des thèmes de campagne
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Alpes-Maritimes, Hautes-Alpes, Aveyron, Charente-Maritime, Côte-d’Or, Maine-et-Loire, Manche, Marne, Haute-Marne, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Rhône, Savoie, Haute-Savoie, Vendée, Val-d’Oise. Retour au texte