L’Etat a choisi le consortium franco-allemand Direct Energie/ Siemens pour construire à Landivisiau (Finistère) une centrale à cycle combiné au gaz d’une puissance installée de 422 MW, a annoncé mercredi 29 février 2012 à Paris le ministre de l’Energie Eric Besson.
Le vainqueur de l’appel d’offres lancé en juin 2011 s’est distingué de ses concurrents, EDF et Enel, sur trois critères, a-t-il précisé : « une subvention plus basse, une mise en service plus rapide (d’ici le 1er octobre 2016) et un meilleur impact environnemental ».
Sécuriser la « péninsule électrique » bretonne – Ce projet entre dans le cadre du pacte électrique breton conclu en décembre 2010 et approuvé par la quasi totalité de l’assemblée régionale le 6 janvier 2011. Ce pacte vise à résoudre le problème récurrent d’une Bretagne qualifiée de « péninsule électrique » en raison des caractéristiques suivantes :
- une consommation d’électricité qui ne cesse d’augmenter, et ce, dans de fortes proportions car deux fois plus que la moyenne nationale ;
- une croissance importante de la population, de l’ordre de 18 000 habitants par an jusqu’en 2040, prédit l’INSEE ;
- une production locale d’électricité couvrant moins de 10% des besoins, contraignant donc la Bretagne à « importer » d’autres régions, au risque de saturer le réseau de transport dans les périodes de très grande consommation nationale, l’hiver en particulier.
Croissance contenue vs décroissance – Si la maîtrise des consommations d’électricité et le développement des énergies renouvelables, autrement dit, les deux premiers piliers de ce pacte qui en compte trois (d’où son appellation bretonne de triskell), font consensus, le dernier, la sécurisation de l’approvisionnement électrique, divise les élus.
Ses opposants, qui se trouvent dans le camp écologiste, lui reprochent de s’inscrire dans un scénario de croissance, même contenue, de la consommation d’électricité, et non de baisse de celle-ci.
« Ce projet de centrale est totalement archaïque et il vient à contretemps », commente le conseiller régional Christian Guyonvarc’h (UDB – Autonomie et Ecologie), en faisant référence au projet de directive sur l’efficacité énergétique adopté mardi 28 février par la commission de l’énergie du Parlement européen, qui entend contraindre les Etats membres à réduire leur consommation d’énergie.
La Bretagne bientôt aussi péninsule gazière ? – Circonstances aggravantes pour l’élu, « cet outil de production annoncé à l’origine pour couvrir uniquement la pointe, donc ponctuellement, tournera en réalité au moins 4 000 heures par an. Sinon, aucun opérateur ne s’y serait intéressé », estime-t-il.
« De plus, prédit-il, en faisant appel à une centrale gaz, on va aussi faire de la péninsule électrique bretonne une péninsule gazière en doublant sa consommation. Et par conséquent accroître sa fragilité… »
« L’Etat se trompe ! » – « L’Etat aurait choisi Direct Energie et donc Landivisiau pour des raisons ayant peu à voir avec l’objet même de l’appel d’offres, mais parce que la mobilisation de la population contre ce projet serait moindre que sur les projets concurrents d’EDF à Brennilis et d’Enel à Briec », avance Christian Guyonvarc’h. Pour ajouter dans la foulée : « Ce en quoi il se trompe ! » Et il annonce une première action publique dès samedi 3 mars sur le site choisi, à l’initiative du collectif Gaspare.
Des opérateurs peu rassurés – Dans le cadre de l’appel d’offres, les opérateurs intéressés s’étaient inquiétés des risques de retard dans le déroulement de la procédure, voire d’un abandon pur et simple du projet. L’un d’eux avait même demandé à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) : « Pouvez-vous nous garantir qu’il n’y aura pas de débat public pour ce projet ? ».
Un débat public que les opposants revendiquent d’ailleurs, pour pouvoir discuter le bien-fondé de l’implantation de cette future centrale de production d’électricité.
La page Plogoff est-elle réellement tournée ? – Alors, Landivisiau connaîtra-t-il le même sort que le précédent projet de centrale à cycle combiné au gaz de Ploufragan (Côtes d’Armor), abandonné il y a trois ans en raison des oppositions locales. Ou que celui de la centrale nucléaire de Plogoff, objet d’un combat légendaire des Bretons en 1981 ?
« La page Plogoff est tournée », avait estimé le président de la Région Bretagne Jean-Yves Le Drian (PS) le 6 janvier 2011, lors de la session extraordinaire du conseil régional consacrée au pacte électrique breton. « C’est une erreur d’analyse fondamentale », lui répond aujourd’hui Christian Guyonvarc’h.
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