Le logement tient une place importante dans la campagne présidentielle. Quel bilan peut-on tirer de l’action menée depuis 2007 ?
Une politique active est menée sur ce sujet, on y investit beaucoup d’argent, mais elle est trop segmentée et trop peu évaluée. Chaque action – sur les aides à la pierre, sur la défiscalisation immobilière… – a sa propre légitimité, mais il n’y a pas assez de coordination entre toutes. De plus on lance des dispositifs, sans aller jusqu’au bout et sans évaluer leurs effets – par exemple le PTZ + stoppé dans l’ancien au bout de quelques mois sans réelle évaluation.
Il y a un vrai problème d’instabilité des dispositifs : le ministère des Finances ne les considère que comme des dépenses, alors qu’au final ils rapportent des fonds publics en TVA, taxes,…
Que faire pour rendre la politique du logement plus efficace ?
La territorialisation des aides au logement a représenté une avancée en la matière, mais elle reste partielle. Le plus grave est l’absence de réelle territorialisation de la politique d’ensemble du logement. On a bien fait des zonages pour l’application du dispositif de défiscalisation Scellier et le PTZ, mais ils sont contestés et contestables, et de plus instables.
Il y a beaucoup de logements Scellier construits là où n’on en avait pas besoin, et cela est notamment le résultat de la carence de stratégies globales des maires sur la planification de l’habitat. Depuis 1980 on parle de faire remonter la politique du logement au niveau de l’agglo. Mais il y a de vraies résistances.
La loi Grenelle 2 a échoué à faire passer l’élaboration du plan local d’urbanisme au niveau intercommunal. Je pense qu’il faut un niveau supra-communal avec une vision globale sur l’habitat et les politiques foncières. Et je ne parle pas de niveau intercommunal, mais plutôt d’agglomération.
Pensez-vous que l’extension de 30% des droits à construire peut permettre de doper la construction ?
Cette proposition est étonnante ; cette mesure ne fera que renchérir les prix du foncier. Albin Chalandon l’a fait en 1970, cela a eu des effets désastreux sur le paysage et cela a été stoppé au bout d’un an. Les exemples étrangers, comme l’Espagne en 2004, ont aussi été des échecs. Elle tendra aussi, comme on l’a déjà vu, à renforcer les comportements de rétention. Et puis 30% par rapport à quoi ?
Il faut réinstaller une culture de la planification à grande échelle, et cesser de la voir comme un obstacle. Les plans locaux de l’urbanisme souffrent de leur trop grande instabilité. Ils doivent être transférés au niveau de l’agglomération, moins soumis aux pressions, de même que le permis de construire et le droit de préemption. Avant la décentralisation de l’urbanisme, il y avait un rapport de force entre le maire et la DDE qui empêchait les excès.
Comment réformer la politique foncière ?
Les politiques foncières ne font sens que si l’on tient l’ensemble de la chaîne – des aspects fiscaux jusqu’à la planification et sa stabilisation. L’impôt doit être basé sur la valeur vénale des terrains. Aujourd’hui, quand un terrain est classé constructible, il est classé comme une friche par l’administration fiscale, et n’est donc quasiment pas taxé. Il faut changer le mécanisme. Cela ne rapportera peut-être pas des milliards, mais cela aura un effet incitatif sur les propriétaires qui font de la rétention foncière.
Que penser de la proposition de cession des terrains de l’Etat ?
Les cessions de terrains de l’Etat sont déjà en cours depuis des années, mais elles sont compliquées. Il faut les intensifier, notamment avec Réseau ferré de France, ou le ministère de la Défense. Mais les « bijoux de famille » ont déjà été cédés. Quant à la gratuité de ces cessions, proposée par François Hollande, elle se discute, car certains propriétaires institutionnels sont très endettés.
Enfin là où il y a des interventions publiques fortes, notamment autour des futures gares du Grand Paris, il faudra un dispositif particulier permettant de fixer des prix de référence et donc d’éviter la spéculation immobilière, comme la zone d’aménagement différé.
Références
Projet de loi relatif à la majoration des droits à construire, n° 4335, déposé le 8 février 2012
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