D’après vous, le débat sur le social n’aura pas lieu pour la présidentielle. Pourquoi ?
Quels que soient les discours de campagne, les fondamentaux de la protection et de l’action sociale ne connaîtront sans doute pas de véritable bouleversement dans les années qui viennent. Le rétropédalage de François Fillon sur la Sécurité sociale en est une parfaite illustration ! Le scénario le plus probable est celui d’une évolution au fil de l’eau, avec le risque d’un durcissement des logiques gestionnaires. Les problèmes sociaux iront croissant, s’accompagneront de tensions, d’où la probabilité de décisions « stop and go ». Et la recherche de nouveaux modèles peinera à prendre le pas sur les contraintes budgétaires.
Le revenu universel fait-il partie de ces nouveaux modèles ?
Pas si nouveau que cela, en réalité. On peut plutôt parler d’un regain d’intérêt : cette question avait été débattue dans les années 90, lors des polémiques sur la fin de la valeur travail. Le revenu d’existence pose de nombreux problèmes. De coût, en premier lieu. L’Observatoire français des conjonctures économiques l’estime à près de 500 milliards (1). Cela explique sans doute le peu d’appétence des porteurs des différentes variantes pour un formatage et un chiffrage. En outre, le périmètre des minima pris en compte reste flou. Si l’on ne prend que le RSA, l’AAH, l’ASPA, l’ASS, il serait difficile de ne pas aligner le montant sur le minima le plus élevé, sans compter qu’il faudrait aussi valoriser les avantages connexes (exonérations fiscales, par exemple) qui concourent au pouvoir d’achat de leurs bénéficiaires.
Les défenseurs de ce revenu devront-ils diminuer la voilure ?
On peut se demander si, au-delà des discours, ce n’est pas plutôt vers un revenu conditionnel et limité dans son montant qu’on s’orienterait in fine. Les promoteurs de cette idée, dans ces différentes versions, devraient préciser leur projet pour éclairer les débats. Mais, au-delà des chiffres, il y a une question de sens sur laquelle le débat n’aura sans doute pas lieu. En effet, face à la montée de la pauvreté (et pas seulement monétaire), on ne fait pas le choix de revisiter les politiques publiques pour s’attaquer efficacement au phénomène : on cherche à le gérer dans une logique palliative. C’est une forme de renoncement à une approche inclusive et solidaire fondée sur l’accès de tous à tous les droits, et en l’occurrence sur l’idée de partage du travail. Le revenu universel créerait un droit des pauvres.
Références
"L’Année de l’Action sociale 2017 - Quelles politiques d’action sociale pour le prochain quinquennat", sous la direction de Jean-Yves Guéguen, Dunod, nov. 2016.
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Notes
Note 01 OFCE Note « Le revenu universel : une utopie utile ? » publiée le 15 décembre 2016. Retour au texte