C’est par petites touches que, depuis le printemps, le Premier ministre annonce la réforme des minima sociaux. Le 19 septembre, son cabinet a présenté les mesures qui doivent permettre de faire reculer le taux de pauvreté, largement inspirées du rapport sur les minima sociaux de Christophe Sirugue, rendu mi-avril.
Un RSA trimestrialisé
Première grande mesure : les allocataires du RSA ne verront plus le montant perçu varier chaque mois. Le calcul des droits sera figé pour un trimestre, pour permettre aux bénéficiaires d’avoir plus de visibilité sur leurs revenus. La mesure devrait également permettre de réduire les « trop-perçu », des sommes qui devaient être rendues en causant parfois de grosses difficultés financières aux foyers. Dans deux cas – perte d’emploi et séparation – les allocataires devront néanmoins prévenir immédiatement les CAF.
La reprise d’une activité salariée sera par ailleurs facilitée pour les bénéficiaires du RSA. Ils n’auront plus à faire un dossier de prime d’activité à l’acceptation d’un emploi qui leur sera versée automatiquement. Le but est d’éviter l’effet désincitatif de la perte de ressources par la reprise d’activité, explique le cabinet de Manuel Valls
50 millions d’euros pour aider les départements à faire de l’insertion
Mais pour que les allocataires retrouvent un emploi, il faut souvent les accompagner dans un parcours d’insertion, à la charge des départements. Dans sa dernière étude annuelle, l’Odas soulignait que pour la première année, face aux difficultés financières, tous les départements avaient réduit le montant qu’elles allouaient auparavant à l’insertion. Elles n’étaient plus que de 700 millions d’euros en 2015, soit 7,7% de la dépense nette d’allocation contre 14,5% en 2009.
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Pour les aider, les services du Premier ministre ont donc annoncé la mise en place d’un nouveau fonds, géré par le ministère des Affaires sociales, abondé par l’Etat à hauteur de 50 millions d’euros, qui viendra s’ajouter aux 150 millions d’euros du FMDI. La mesure doit être créée dans le PLF 2017. Un moyen pour le gouvernement de compenser l’échec des négociations sur la recentralisation du RSA ? « Après l’échec de la négociation, le Premier ministre voulait reprendre pied sur le volet de l’insertion et des minimas sociaux. Il n’y a toutefois pas de lien direct même si le dispositif touche les mêmes personnes », indique son entourage.
Cette somme sera contractualisée avec les départements qui ne toucheront une aide que s’ils mettent en place des politiques d’insertion. Les collectivités pourront néanmoins développer des stratégies spécifiques à leur territoire et cibler des populations particulières.
Le retour du dossier unique ?
Le Premier ministre veut par ailleurs lutter contre le non recours. La création d’un portail numérique permettant de calculer ses droits a ainsi été annoncé pour début 2017. Sans plus de détails alors qu’un dispositif similaire existe déjà. Lancé officiellement par les secrétaires d’État, Clotilde Valter, en charge de la Simplification et de la Réforme de l’État, et Ségolène Neuville, chargée de la Lutte contre l’exclusion, en septembre 2015, le simulateur mes-aides.gouv.fr avait même été testé par François Hollande dès octobre 2014.
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Encore plus surprenant, les services de Matignon semble vouloir remettre sur la table le projet de dossier unique. Pour simplifier l’accès aux droits, le gouvernement veut développer un dispositif dématérialisé « Dites-le nous une seule fois » : il permettrait aux bénéficiaires de saisir leurs données sur internet une seule fois et de ne pas avoir à envoyer plusieurs courriers grâce à un échange de fichiers entre agents. La mise en place d’un tel système avait été envisagé lors du lancement du plan pauvreté en 2013. La Loire-Atlantique et la Seine-et-Marne avaient même mené une expérimentation en 2014, la complexité des difficultés à créer ce dossier partagé avait entraîné la création du simulateur mes-aides.gouv.fr.
Pas de revenu universel en vue
Concernant un autre minima social, Matignon a annoncé la simplification de l’attribution de l’AAH : alors qu’actuellement les personnes handicapées doivent fournir tous les 5 ou 10 ans un certificat médical, elles pourront désormais espacer leurs visites de 20 ans.
Concernant la mise en place d’un revenu universel, Matignon assure que « le Premier ministre souhaite porter ce débat en s’appuyant sur des valeurs de la gauche ». Le dispositif n’est cependant pas annoncé. « Ce chantier que nous ouvrons, c’est bien celui du revenu universel : pas une allocation versée à tous, y compris à ceux qui disposent de revenus suffisants – cela serait coûteux, et n’aurait aucun sens – mais une allocation ciblée, versée à tous ceux qui en ont vraiment besoin », écrivait pourtant Manuel Valls dans une tribune sur son compte Facebook en avril. « Il faut être conscient que la mise en place de ces dispositifs mettrait au moins un an », soulignent ses proches.
De quoi donc alimenter un programme pour la présidentielle, comme l’a souligné Dominique Bussereau, président de l’ADF, lors d’une conférence de presse le 21 septembre :
Quand le Premier ministre évoque le rapport Sirugue, il prépare davantage le projet du futur candidat à la présidence de la République qu’il ne lance une réforme. Il n’y a plus d’espace politique et parlementaire pour mener une réforme globale avant 2017.
Les départements préféreraient 300 millions…
Lors d’une conférence de presse présentant le congrès de l’ADF, ce mercredi 21 septembre, Dominique Bussereau, est revenu sur les propos de Jean-Michel Baylet, la veille sur France 2. Le ministre des Collectivités territoriales y a indiqué que « tous les départements pourront payer le RSA. Nous avons créé pour les départements qui sont en difficulté un fonds d’urgence de 200 millions d’euros ». 200 millions, un chiffre qui avait déjà été annoncé par Manuel Valls en février, selon un calcul simple : en 2015, 10 départements ont reçu 50 millions d’euros ; en 2016, ce sont 40 départements qui doivent être aidés, la somme de 2015 est donc multipliée par 4. Mais lors des négociations sur la recentralisation du RSA en juillet, le chiffre de 300 millions avait été avancé par le ministre des Collectivités territoriales. « Le chiffre de 300 millions qui avait été prononcé par le Premier ministre et monsieur Baylet nous paraît plus proche de nos besoins que le chiffre de 200 millions avancé hier », a expliqué Dominique Bussereau. D’autant que l’ADF demandait à l’origine 400 millions.