« La loi Taubira devra être réécrite de fond en comble. (…) Si vous préférez qu’on dise [qu’il faut] abroger la loi Taubira pour en faire une autre… En français, ça veut dire la même chose. Ça aboutit au même résultat. Mais enfin, si ça vous fait plaisir, franchement, ça coûte pas très cher. » Tels sont les mots prononcés par Nicolas Sarkozy face au mouvement « Sens commun » samedi 15 novembre 2014.
Or, si « en français, çà veut dire la même chose », en droit, ce n’est pas le cas. Abroger la loi « Taubira » qui a ouvert le mariage aux couples de même sexe signifie en termes juridiques l’adoption par le Parlement d’une loi abrogative. Par contre, modifier la loi « Taubira » pour y préciser certains points ou y supprimer certaines dispositions se traduit juridiquement par l’adoption d’une autre loi ou, selon la nature des éléments modificatifs, par l’édiction de mesures réglementaires. Deux solutions juridiques distinctes donc.
Inconstitutionnalité et inconventionnalité
Sans oublier que, peu importe la solution juridique retenue, l’adoption de toutes nouvelles mesures législatives, abrogatives ou modificatives, nécessite la validation du juge constitutionnel. Car le juge constitutionnel ayant validé la loi « Taubira » le 17 mai, pourrait très bien invalider sa loi abrogative ou modificative dans un but de sécurité juridique.
Et même s’il valide les modifications apportées à la loi « Taubira » ou son abrogation, selon le principe de non-rétroactivité de la loi, il sera impossible d’annuler les mariages entre personnes de même sexe déjà célébrés. On aboutirait alors à une situation où des couples unis avant l’abrogation bénéficieraient de droits auxquels d’autres couples ne pourraient plus prétendre, ce qui créerait une inégalité de fait inconstitutionnelle.
Même logique devant la Cour européenne des droits de l’Homme qui pourrait retenir que cette loi, parce qu’elle a pour effet une différence de traitement, est source de discriminations entre les personnes, et donc contraire à l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La loi « Taubira » a donc encore de beaux jours devant elle…
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